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28 janvier 2014

LIVRE : La Ballade de Rikers Island de Régis Jauffret - 2014

9782021097597FSRégis Jauffret est pris ici en flagrant délit de flou artistique, que d'autres appeleront plus méchamment frilosité de jeune fille, que d'autres appeleront de façon malveillante ratage complet. Courageusement, et tant pis pour les conséquences, il nous raconte une histoire de patron d'une grande institution financière mondiale, marié à une star de la télé sur le retour, et accusé de viol dans un hôtel de New-York contre une femme de ménage noire. On peut penser, il est vrai, à l'affaire DSK, je vous vois venir. Sauf que, là, c'est un roman, et le nom fatidique n'est jamais écrit, des fois qu'on accuse Jauffret de raconter la réalité alors que sa documentation laisse à désirer. Cette "licence poétique" est bien pratique : elle lui permet de raconter à peu près n'importe quoi pour alimenter les fantasmes voyeuristes de son lecteur à moindre prix, il pourra toujours se cacher derrière l'excuse de la fiction si ça sent le roussi. Cela posé, le gars s'en donne à coeur joie : DSK, enfin "il", est un pur obsédé sexuel, ne pouvant croiser une femme, quelle qu'elle soit, sans désirer immédiatement la soumettre, la violer, ses fantasmes étant doublés quand il s'agit d'une Noire, puisque bien sûr DSK, enfin, "il", est raciste, dominateur, machiste et nostalgique des colonies. Il paraît que le vrai DSK, peut-être un poil plus complexe que dans le livre, a porté plainte ; moi aussi, ça m'aurait vexé.

Pour se gagner quand même un lectorat, qu'il imagine féminin (et il a sûrement raison), Jauffret se drape d'une vertu féministe d'une grande pureté. Prenant la défense des deux femmes mises en scène (Sinclair et Diallo), il tente même un essai sociologique sur l'éternelle soumission des femmes par les hommes, le côté sacrificiel de l'image du corps féminin, médiatique dans le cas de l'épouse, esclavagiste dans le cas de la victime. C'est tout à sa gloire, mais encore eût-il fallu dresser un portrait masculin autrement plus crédible que ce prédateur libidineux saturé de Viagra. Son roman-vérité y aurait gagné en crédibilité. Là, on ne voit s'agiter que des pantins caricaturaux, et on ne croit pas une seconde à toutes ces descriptions du comportement des personnages. Psychologie sommaire et clichés sont au rendez-vous. Comme en plus l'écriture est bavarde comme une pie, ajoutant des couches de mots aux couches de mots dans une spirale épuisante, et comme Jauffret ne parvient jamais à savoir exactement ce qu'il a envie de raconter, on devient de plus en plus perplexe au cours de ce bouquin interminable. Même quand il semble enfin avoir trouvé quelque chose d'un peu intéressant à raconter (son voyage chaotique en Afrique sur les traces de Nafissatou Diallo), il le saccage très vite en ajoutant une nouvelle couche de narration là-dessus : son amourette du moment qui l'amène jusqu'à New-York dans un road-movie minable. Certaines phrases, d'une désolante complexité alors qu'on voit systématiquement la façon de les rendre limpides et modestes, sont proprement incompréhensibles, et à moins d'aimer découvrir ce que Anne Sinclair mange dans sa chambre d'hôtel en attendant le procès de son mari (des haricots verts, qu'elle ne finit pas), on se demande un peu à quoi sert ce livre gonflé d'auto-suffisance et absolument gonflant.

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