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Shangols
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19 janvier 2014

Blue Jasmine de Woody Allen - 2013

C'est bien à un petit miracle qu'on a droit en cette noble année : la cuvée 2013 de Woody est un grand film, adjectif que je ne lui avais pas collé depuis Celebrity. Oui, Blue Jasmine est de ce niveau-là, du haut niveau des "films en miroir" de Woody : Maudite Aphrodite, Hannah et ses Soeurs, Crimes et Délits, ... Comme dans ces chefs-d'oeuvre, on est sans cesse entre comédie raffinée et drame profond, entre rires et larmes quoi, grâce à cet habile tricotage entre deux mondes, entre deux atmosphères. Comme souvent chez Woody, on a donc droit ici à deux personnges qui s'affrontent : Jasmine, bourgeoise en Chanel qui a eu la chance de tomber sur le bon parti et a vécu une vie de cocktails et de voyages ; et sa soeur Ginger, prolo à la vie simple et aux amants buveurs de bière, qui a eu une destinée à peu près inverse. En opposant ces deux mondes, Woody annonce d'entrée la couleur : son film va reposer sur la dualité, l'affrontement, la lutte des classes même, si tant est que la politique puisse avoir droit d'entrée dans la filmographie du sieur. Et avec cette dualité scénaristique, Woody va pouvoir jongler aussi avec ses deux inspirations, la comédie et le drame.

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Du côté de la première, c'est une merveille. L'écriture des dialogues, qui retrouve le talent qu'on croyait perdu chez Woody, est étincelante, d'une finesse de chaque ligne. C'est souvent très drôle, bien que complètement débarrassé des "punch-lines" habituelles. Les dialogues en ping-pong fusent, et le sens des situations fait le reste : il y a cette scène impeccable dans un supermarché, où un amant éconduit vient supplier Ginger de le reprendre ; il y a ces affrontements entre soeurs, toujours à deux doigts de la caricature, mais que les dialogues font pétiller. C'est surtout grâce aux comédiens que ces scènes sont vraiment drôles : les regarder jouer suffit largement à notre plaisir. Cate Blanchett est une bourgeoise hyper-agaçante que Woody charge encore plus par ses tics de mondaine ; Boby Cannavale est impressionnant de justesse dans le rôle pourtant too much du brave garçon fan de foot et fort en gueule ; et, génie parmi les génies, Sally Hawkins est un festival à elle seule : toutes les émotions y passent, des plus pathétiques aux plus nobles, et sa petite frimousse, sa voix clownesque et son sens du tempo en font une des grandes interprètes alleniennes.

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Mais la partie tragique n'a rien à envier à la première. Blanchett campe avec finesse cette femme en proie aux tourments intérieurs, voire à une forme de folie. Si les situations destinées à chambouler son statut de mondaine sont plutôt drôles (les très grandes scènes avec un dentiste qui la drague), la comédienne ne tombe jamais dans la caricature de grande bourgeoise : son personnage est d'une sincérité totale finalement, et Blanchett parvient à lui conférer une vraie aura tragique, dans un remarquable travail à la Gena Rowlands (la comédienne cassavetienne aurait été idéale pour jouer ça, avec 30 ans de moins). C'est une femme perdue, qui a perdu tous ses repères en même temps que son amour et sa foi en la vie. Woody en fait une sorte de victime de la crise, à travers son mari homme d'affaires véreux (excellent Alec Baldwin, au visage aussi figé que sa condition sociale) ; voilà qui rattache encore une fois son film au monde actuel. Blue Jasmine est une déclaration d'amour ou de mépris à la fois à la classe supérieure et à la classe des prolos, deux mondes que le bougre a aimé également à travers ses films. Autoportrait à double facette finalement, c'est en tout cas un des films les plus personnels et les plus sincères de son auteur.

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Quant à la mise en scène, qu'est-ce que vous voulez, c'est le raffinement, la subtilité, la finesse dans leur plus simple définition. On connaît déjà la grammaire allenienne quand il s'agit de filmer des dialogues (et surtout des scènes de dispute entre couples) : ces appartements complexes, ces écrans qui peuvent être vides d'acteurs pendant de longues secondes, ces décadrages, ces passages d'un protagoniste à un autre dans un mouvement synchrone entre acteurs et caméra. Ici, c'est encore ça, mais avec en plus cette façon de rester le plus près possible du visage des acteurs. Evidemment fasciné par Blanchett, Woody suit littéralement à la trace les moindres variations de jeu de son visage, mais continue pourtant à utiliser cette mise en scène hyper-fluide, très en mouvements. C'est ardu de filmer du dialogue, et Woody est le maître de ces champs/contre-champs dynamiques, invisibles et pourtant très complexes, qui ne font rien perdre des moindres inventions de ses comédiens. C'est un régal pour l'oeil autant que pour les oreilles (à la brillance des dialogues, il faut ajouter celle de la musique), et c'est un plaisir de chaque seconde. Bref, je le répète : un des grands Woody, ce qui fait vraiment plaisir après tout ce temps de films honorables mais mineurs. (Gols 03/10/13)


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Je relis consciencieusement la chronique de mon ami Gols, reconnais une vraie facilité allenienne dans l'écriture des dialogues - sans punch line en effet - et dans cette mise en scène résolument fluide mais (toujours ce putain de « mais ») n'ai pas été malheureusement aussi séduit que lui par les personnages de cette dramette (on invente des mots aussi) romantique - ô combien. Certes Woody est enfin sorti de ses livres d'images (d'Epinal) européens, certes Woody a trouvé en Cate Blanchett une actrice rowlandsienne - qui va d’ailleurs permettre à cette dernière de pécho un Oscar (On parie ? Si c'est Sandra Bullock, je m'en coupe une, de bullock) mais nom de Dieu, comment se fait-il que la psychologie de la plupart de ses personnages (seule la Cate ayant un rôle écrit en profondeur) soit aussi stéréotypée et d'un bloc ? Faire leur rencontre c'est savoir une heure à l'avance comment ces derniers vont réagir, quelle que soit la situation à laquelle ils seront exposés. Des beaufs beaufs, des bourgeois coincés coincés et on conseillerait presque à Woody - sauf son respect - de sortir parfois de son salon pour rencontrer de vrais gens. Du coup cette mince intrigue (jusqu'au dix derniers minutes) qui voit la Blanchett surfaite et orgueilleuse reprendre de la hauteur et sa sœur nunuche mais gentille tomber bien bas est aussi surprenante qu'un MacDo froid (ou chaud aussi) difficile à digérer. On se dit, ok il nous refait exactement le même coup que dans Crimes et Délits… Mouais. Et pis non, en fait, un petit retour de flamme optimiste de notre vieux Woddy finit par faire tomber encore plus bas la Cate et par concéder un ersatz de bonheur beauf mais sincère à sa sœur. Nan, je ne dis pas que c'est raté, ça file comme une crêpe au Nutella sur les coups de 4 heures, c'est maîtrisé tout plein mais au fond de moi (qui suis encore plus dure au fond qu'en surface, cherchez pas), je vois bien que c'est un cinéma qui m'émeut peu. Alors oui, pour boucler la boucle, j'apprécie la Cate quand elle fait son (grand) numéro au téléphone, quand elle parle toute seule ou quand elle est plus géna-lissime que géna face aux deux gamins. Là oui, j'avoue, elle envoie quand même du flan aux pruneau mais au-delà de ça je reste quand même, malgré mes comparaisons gastronomiques douteuses, un peu sur ma faim. Une tisane ? Je préfère le tilleul, t'as ? (Shang 18/01/14)

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Commentaires
J
Vous citez "Celebrity" comme un grand film d'Allen. Lui-même à honte rétrospectivement de ce film, complètement désincarné et sans vrai propos, pas drôle en plus ...
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