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Shangols
REALISATEURS
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26 octobre 2013

Curling de Denis Côté - 2010

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T'vu, c't'in bin ban film, cé, tobernoc. Nous voilà dans le cinéma canadien avec accent, ce qui constitue toujours un dépaysement agréable. D'autant plus que ce Curling est dépaysant dans tous les sens du terme, géographiquement et cinématographiquement, et constitue donc une aventure assez étrange et attachante. Dans des cadres vastes mais mathématiques, Côté nous présente la campagne désolée du fin fond du trou du cul du monde, dans lequel vit un duo étrange : un père, homme à tout faire dans un motel, mutique, secret et seul, et sa fille de 12 ans, qu'il garde à l'abri de tout contact avec ses semblables : pas d'école, pas de visite, des amusements aussi austères que rares. D'où viennent-ils, quelle est leur histoire ? On n'en saura pas grand-chose, le film cultivant un secret opaque autour de ces deux personnages. On ne sait rien de leur passé, ou presque, et on ne saura guère plus de choses de leur présent, puisque, à partir d'un réalisme formellement assez classique, on va dériver doucement vers une forme de cinéma expérimental, morbido-onirico-poétique, qui va nous laisser quelque peu perdus dans la neige.

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C'est toute l'habileté de la chose : partir d'un terreau très social (les petits boulots d'un homme seul, sa façon d'éduquer sa fille), d'un territoire très strictement décrit (magnifiques cadres du couple marchant le long de la route dans un paysage glacé), pour dériver vers l'opposé cinématographique : le film d'horreur, le cinéma-laboratoire. Peu à peu, à travers des motifs qui échappent complètement à la logique ou à l'explication, on se trouve plongé dans le fantastique : une chambre de motel maculée de sang, un tas de cadavres dans une forêt, un tigre qui erre dans les bois, une sorte de "fée gothique" à la Tim Burton qui vient travailler au bowling où officie notre héros, et peu à peu nous voilà dans une autre dimension, qui pourrait faire allusion aussi bien à Psycho qu'aux films de Skolimovsky. Tout en restant erratique, contemplatif, nonchalant même parfois, tout en parlant toujours à mi-voix, le film cultive cette étrangeté prenante, d'autant plus forte qu'on n'aura droit à aucune explication au final. On est juste à la frontière du rêve, à la lisière d'un mystère presque métaphysique. C'est la limite de la chose : on peut rester sur sa faim, se sentir lésé par la béance qui reste à la fin du film. Mais on peut aussi apprécier cette originalité et cette poésie audacieuse : peu importe l'explication, ce qui compte est de s'être laissé embarquer dans ces atmosphères insaisissables. Du cinéma exigent et rugueux, oui, mais une vraie voix qui se laisse entendre sous la neige.

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