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12 octobre 2013

LIVRE : La Stratégie Ender (Ender's Game) d'Orson Scott Card - 1985

9782290071823,0-1737709Eh oui, de la SF. Il faut savoir se diversifier dans la vie. Lecture donc de ce "classique" de la science-fiction intello, celle dont on nous assure que son intelligence est au moins égale à celle d'un Beckett et son intérêt au moins aussi grand que l'intégralité de l'oeuvre de Proust. Bon, si vous avez 14 ans, c'est vrai. Comme tout bon roman de SF, et tant pis pour ceux que ça va vexer, il faut retomber un peu en adolescence pour vraiment accepter la chose. Voyez plutôt : un enfant de 6 ans, petit génie précoce, est engagé par l'armée pour sauver le monde d'une invasion probable d'extra-terrestres (les "doryphores", que mon pépé éliminait avec de l'insecticide) ; on lui fait donc subir un entraînement spartiate et radical pour être prêt au moment T, ceci même s'il doit quitter sa soeur bien-aimée et son frère tortionnaire, lutter contre les rivaux jaloux, s'opposer à des gradés sadiques, ou inventer des tactiques militaires de plus en plus pointues, sous forme de jeux de simulation. Mais, ahahaaaah, est-ce vraiment un jeu, tintintin ?

Autant dire qu'on croit au personnage comme aux trolls lozériens, et qu'on bâille pas mal devant cette histoire sans intérêt. A moins, encore une fois, d'être un geek attardé, on se poile pas mal devant le sérieux sépulcral de cette histoire, absolument dénuée d'humour ou de distance, qui place l'avenir de l'univers sur les épaules d'un môme de 6 ans qui joue à la Playstation. Card écrivant avec le coude gauche (sujet/verbe/complément, c'est le grand max), il ne parvient jamais à rendre son personnage attachant ni à nous faire frémir pour lui : froid et énervant comme tous les petits surdoués, Ender est un spectre sans caractère, et du coup on n'a jamais peur devant ses épreuves. De toute façon, il est invincible, et on sait toujours qu'il va se sortir vainqueur de chaque obstacle. Comme on sait dès la page 2 quel va être le dénouement de ce scénario, ainsi que tous ses sous-rebondissements (vous la sentez venir, la confrontation finale avec le héros légendaire qui sauvât le monde une première fois ? vous la prévoyez pas, la révélation finale ? vous l'avez pas écrit d'avance, le dialogue entre Ender le désabusé et sa soeur aimante ?). Niveau suspense, zéro donc, et niveau émotion, peanuts également. Ce qui intéresse Card, c'est la stratégie, le côté militaire de la chose, point. D'où une suite interminable de descriptions de batailles en aquariums entre des armées de gosses : qui va rebondir là, qui va utiliser l'apesanteur à bon escient, qui va triompher...

Pourtant, cela dit, on en vient à comprendre que derrière ce fastidieux moment d'écriture et de scénario laborieux, se cachent quelques beaux thèmes. L'idée que la lutte de l'existence est un jeu, par exemple, et que tout pourrait tenir dans les décisions d'un gamin avec un joystick (de Dieu considéré comme un fan de Space Invaders) ; ou celle que le sort de l'univers pourrait se régler dans l'intimité d'un bunker. Car c'est peut-être là le vrai talent du livre : rester toujours, pratiquement du début à la fin du livre, dans l'espace clos d'un simulateur, avec une poignée de personnages, alors que ce qu'ils résolvent est aussi vaste que le cosmos. Card évite complètement l'aspect "space opera" à la Star Wars, en restant toujours entre quatre murs. C'est habile et original. Le livre dit en plus des choses sur les tactiques d'asservissement des militaires aux ordres de leurs supérieurs (les méthodes de Graff pour humilier Ender, et en faire donc sa "chose"), et sous ses dehors de "livre de guerre", cache peut-être un antimilitarisme précieux. Même si les relations entre les personnages sont binaires, il existe ça et là quelques caractères plus joliment travaillés : le frère, bourreau mélancolique, fasciste refoulé, odieux malgré lui ; ou Graff, attachant colonel sarcastique et sans pitié. Voilà qui sauve ce livre du fatras ordinaire de la science-fiction. Mais je préfère toujours Beckett.

Commentaires
G
Alain Damasio, "La horde des contrevents", ceci n'est pas une pub, mais une direction possible.
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C
Oups... "à toi"
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C
François Truffaut, sors de ce corps !!<br /> <br /> Il me semble que c'est toi qu'on doit l'idée que cinéma et anglais sont incompatibles... je n'ai jamais su si c'était juste une idée en l'air idiote ou de la provocation idiote... Et rappelle-toi, Francis, tu méprisais la science-fiction jusqu'à ce qu'un ami te pousse à lire Ray Bradbury et que tu en tombes par terre...<br /> <br /> <br /> <br /> Sinon, moi non plus, la SF ne m'intéresse pas beaucoup, donc c'est en toute ignorance que je recommande un grand roman, d'une belle profondeur sociale, politique et philosophique : Je suis une légende de Richard Matheson. <br /> <br /> (Rien à voir avec les trois grotesques adaptations qui existent.)
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H
allez t'es excusé (concernant les films pour moi ici c'est souvent une référence, ouais carrément ;-)); tu peux aller lire un peu de Dick ou de Brunner par ex...
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G
TomA > Je ne m'excuse pas, non non. C'est juste que sur Shangols on n'a pas trop l'habitude de commenter des bouquins de SF, quoi. Désolé pour ma condescendance, c'était pour rire : l'exagération fait partie de notre style, non ?<br /> <br /> hbbk > Ah parce qu'il y en a des bons, des romans de SF ? il me semblait que c'était comme les bons films anglais, que ça se comptait sur les doigts d'une main. L'exagération fait partie de notre style, non ?<br /> <br /> Allez, je reconnais que je n'y connais rien en SF, genre que, comme je l'ai dit, je considère comme un peu adolescent, comme ça, a priori. Merci de vos commentaires, les gars.
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