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11 septembre 2013

Bubble de Steven Soderbergh - 2005

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Quand on voit combien Soderbergh peut être bon parfois, on en oublie combien il peut ne pas l'être. Confucius. Bubble est un modèle de mise en scène à l'épure, et prouve que ce n'est pas forcément avec de grands effets qu'on arrive à de grands résultats. Des comédiens en "jeu blanc", quelques plans fixes, un scénario simplissime mais troublant, et emballé c'est pesé, voilà notre Steven qui nous trousse un des films les plus audacieux de sa filmographie pourtant intrépide.

On ne saurait pas trop mettre de mots sur le trouble qui gagne peu à peu à la vision du film. La trame est pourtant primaire : Martha et Kyle travaillent dans une usine de poupées et sont potes. Arrive une nouvelle employée, Rose, qui sympathise avec le duo et qui va être retrouvée un matin étranglée dans son appartement. Qui l'a tuée ? On pourrait appeler ça du polar, mais Soderbergh déjoue tellement tout ce qui fait la sève du genre (suspense, énergie, déductions, peur) qu'on ne peut réellement qualifier la chose. A la place de l'intrigue, le gars semble filmer autre chose, assez indicible. C'est sa mise en scène, faussement plate et froide qui induit ça ; il filme en plans fixes des lieux urbains ternes, vides, comme privés de présence humaine. En s'attardant longuement sur les gestes des ouvriers qui façonnent des poupons en plastique, en opérant une subtile comparaison entre leurs visages lisses et celui, poupin, de l'héroïne, il déshumanise encore plus son univers. Peu à peu, l'étrangeté imprègne le film, qui pourtant n'enregistre rien que du banal : des gens qui mangent, qui travaillent, qui fument, qui échangent des mots quotidiens.

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Le film semble opérer un virage à travers le plan où Martha, en pleine messe, semble gagnée par une subite hébétude (ou révélation ?) : la lumière change, et le meurtre a lieu peu après. Ce plan pourrait ouvrir toutes les pistes (rêve éveillé, fulgurance mystique, folie) et les ouvre en effet, mais n'explique rien non plus de la suite. C'est juste une possibilité de plus dans cette intrigue qui les aborde toutes sans les souligner, sans les exposer même vraiment. On suit ce film déréalisé, privé d'énergie, comme on suivrait une exposition de toiles d'Hopper, par exemple, mais sans le côté musée. Le sens du cadre et du rythme, le choix des lumières et cette passion pour les lieux vides et les personnages immobiles font d'ailleurs penser à la peinture. Mais pourtant on ne peut pas qualifier ce film d'expérimental. Il l'est "mine de rien", quoi. En tout cas, à la fin de la chose, on est complètement intrigué, on ne sait pas trop ce qu'on a vu, et on est bien content d'avoir vu un cinéaste nous entraîner aussi subtilement dans son univers barré et morbide, sans nous prendre par la main. Un bien bel objet.

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