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7 septembre 2013

Room 237 de Rodney Ascher - 2013

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Intéressant essai que celui-ci, revenant sur les milliers de théories esthétiques, philosophiques, ésotériques ou complètement connes attachées au Shining de Kubrick. C'est vrai que ce film est bien mystérieux dans ses significations, et on sent que toute la place est donnée aux lectures les plus fantaisistes. Room 237 recense ces lectures, et nous fait voir à l'envi les images de Kubrick, remontées, triturées, zoomées, passées à l'envers, scrutées dans ses moindres détails pour tenter de coller avec les explications des différents intervenants enregistrés en voix off (critiques, psys, et autres allumés). On est bien entendu parfois bluffé par la pertinence de certaines analyses, parfois complètement effaré par l'idiotie d'autres. Mais Ascher décide d'accorder le même crédit aux unes et aux autres, et il fait bien : ça rend son essai aussi intéressant que drôle, et on ressort de son film sonné par la somme de visions qu'on peut avoir du film de Kubrick.

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Allégorie sur le massacre des Indiens ? Variation sur la Shoah ? Aveu de participation aux images truquées de la NASA concernant Apollo ? Tentative de rendre concrètes les théories freudiennes ? Vision exclusivement enfantine (le film est vu par Danny seulement ?) ou prise dans la folie (c'est Torrance qui réalise le film) ? Mythologie mise en images ? Mise en pratique des expérimentations de la publicité en matières d'images expérimentales ? Il y a tout ça dans ce film, et à chaque fois, Shining nous est montré dans un autre montage, dans un autre rythme. On se tape sur les cuisses en entendant un gars dire : "Si, si, attendez, là, juste après le générique, là STOP : regardez, on voit le visage de Kubrick dans les nuages", alors que, eh ben non, ou un autre partir dans des théories super fumeuses sur la présence d'une boîte de conserve derrière Nicholson à la 18ème minute. On sourit devant les faux raccords flagrants et qu'on n'avait bien sûr jamais vus (le gars Shang s'en délecterait). On est affligé par certains détails (l'érection du gars qui accueille Torance - cf photo). Mais on est souvent aussi sidéré par l'intelligence de certaines théories : très bon moment où, à partir de la dissection précise du trajet emprunté par Danny sur son tracteur dans l'hôtel, on en arrive à discerner ses rapports avec sa mère ou avec son père. On s'aperçoit de l'ampleur de la vision de Kubrick quand on regarde la complexité du plan de son hôtel (recréé en 3D, il faut ce qu'il faut), la précision du déplacement des acteurs ou de ses figurants au début du film, et on se dit qu'il doit y avoir du vrai dans cette "explication-holocauste" : Shining serait un film sur les horreurs nazies, et plus largement sur la barbarie humaine. Ascher monte aussi plein d'extraits des autres films de Kubrick (notamment 2001, largement montré en parallèle) pour développer les thématiques, c'est vraiment bien.

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Le meilleur moment est sans conteste celui, absolument gratuit, où un gars projette sur le même écran le film à l'endroit et à l'envers. C'est juste une expérience sans but, mais ça montre subitement des images magnifiques, comme ce Jack Nicholson maquillé comme un clown sanglant. Superbes correspondances entre les plans, qui mettent en valeur l'aspect mathématique de la mise en scène de Kubrick.

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Bon, tout n'est pas réussi là-dedans : le montage avec d'autres films (pas de Kubrick) est assez moyen, la musique n'est pas toujours bien trouvée (malgré un réel effort pour "coller" aux ambiances et aux thèmes de Shining), et manque un aspect essentiel du film de Kubrick : le son, qui n'est jamais traité dans ce film alors qu'il est essentiel (essayez de le regarder sans le son : vous n'avez plus peur). C'est un peu long, parfois on s'attarde inutilement sur des théories qui ne tiennent pas le coup (l'histoire de la NASA : "vous avez remarqué que si on change l'ordre des lettres de ROOM et qu'on ajoute un N et qu'on le regarde comme ça, et qu'on enlève 237... ça fait MOON ?"). Mais ça reste un bel essai sur le cinéma, hommage à un cinéaste génial dont les films sont inépuisables.

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