L'Homme aux Colts d'or (Warlock) (1959) d'Edward Dmytryk
Fonda, Quinn et Widmark donnent l’étrange impression dans ce western de Dmytryk d’avoir de la sciure dans les chaussures, pour ne pas dire de sortir du musée de cire de la Mère Tussaud. Serait-ce dû à la mise en scène guère dynamique (le cadre est là, vous n’en sortez pas les gars… Je ne ferai qu’un ou deux travellings, et encore, si je veux) du gars Dmytryk qui tendrait à momiser quelque peu ses personnages ? On ne pourrait guère, sur ce sujet-là, ne pas donner raison à l’un de nos fidèles lecteurs actuels : Warlock sent un peu le sapin. En plus il y a un parallélisme entre deux personnages principaux qui tend à renforcer cette impression de fossilisation : considérons à la fois l’évolution de Widmark et Fonda ; les deux veulent faire régner l’ordre (l’un grâce à la diplomatie et toujours dans le cadre de la légalité ; l’autre par la persuasion et la force brute), les deux rencontrent une gonzesse sur fond de grand paysage ricain sauvage, les deux se retrouvent le cul sur une chaise chez bobonne bien content de boire un petit kawa ou de manger son ptit œuf à la coque. Bref pas les deux personnages les plus rock’n’roll qu’on ait jamais vus dans un western. L’ordre et la force quels qu’ils soient embourgeoisés…
Plus intéressant est sans doute le personnage de Quinn/Queer. Bon certes avec sa crinière blanchâtre de vieux lion, il donne encore plus l’impression d’être un modèle cireux qu’on avait oublié dans un placard. Mais difficile de ne pas voir dans sa personnalité, un bon vieux vieil homo westernisé qui n’oserait jamais faire son coming-out (… Le type entre dans le bar : je suis gay les amis, c’est ma tournée…) : sa façon d’envoyer paître les donzelles, de couver du regard Fonda, d’être affreusement jaloux de son mariage (mariage = cimetière, ne cherche même pas, dit-il en substance à son « pote »), de toujours vouloir « couvrir les arrières » de son héros (je n’invente rien) donnent malgré tout un petit côté audacieux à la chose at the end of the fifties. C’est en tout cas l’aspect qui m’a semblé le plus olé-olé dans cette banale histoire « à celui qui saura dégainer le plus vite » (on peut aussi en conclure que Quinn est un éjaculateur précoce mais cela serait peut-être aller un peu loin dans l’analyse freudienne…).
Une mise en scène affreusement sclérosée disions-nous mais qui donne tout de même l’occasion au gars Dmytryk de montrer une indéniable science du cadre (en fer forgé) dans les scènes d’intérieur (scènes de couple notamment) ou d’extérieur (scènes de duel en particulier). On ne vibre pas au son de l’harmonica d’un film de Leone - en sentant progressivement tous nos petits poils qui se hérissent - mais ces soudaines périodes où l’on entend plus une mouche volée et où deux types s’affrontent du regard sont tout de même assez tendues - quoique relativement basiques, vi… L’ascension d’un homme honnête (Widmark), la chute d’un autre tout de même beau perdant (qui ne se remet pas de la perte de son « compagnon »… Ne me dites pas le contraire), c’est ce que nous propose ce western un peu engoncé et longuet de notre ami Dmytryk qui pousse malgré tout l’amitié virile assez loin - clink-clink. Pour voir des cow-boys taxidermisés parfois bouger et avoir des sentiments qui transcendent l’amitié…