LIVRE : Décompression (Nullzeit) de Juli Zeh - 2013

Le roman de la rentrée de Juli Zeh arrive deux mois trop tard pour être un roman de plage, mais il en a pourtant toutes les caractéristiques : c'est léger, agréable et inconsistant, et on ne serait pas étonné de trouver à l'intérieur quelques grains de sable perdus. Cette remarque vexerait sûrement la dame, puisqu'on sent que pour elle, Décompression est un roman ambitieux et profond. Mais il y manque clairement un fond solide et une écriture valable pour être intéressant.

A défaut de ceux-ci, on appréciera la trame gentiment retorse de ce thriller psychologique qui lorgne à la fois du côté du Lunes de Fiel de Bruckner et du Tendre est la Nuit de Fitzgerald. Soit un couple de stars, elle actrice de seconde zone, lui écrivain alcoolo en panne d'inspiration, qui se payent un stage de plongée sur une île paradisiaque, sous la conduite d'un professeur passionné. Les relations troubles entre eux vont se dérouler lentement sous le soleil des tropiques, mélange de sado-masochisme, de sombres engrenages polardeux, de sexe, de domination, de vamps salopes et d'entubes sentimentales. La trame est sympa, même si son manque d'originalité fait qu'on devine assez longtemps à l'avance où tout ça va mener ; et le personnage du prof de plongée est suffisamment intéressant dans ses errances sexuello-amoureuses pour qu'on suive ce roman sans gros souci. Mais Zeh manque cruellement de soufre, d'audace, de frontalité, pour parvenir à déclencher quelque trouble que ce soit : c'est plus pathétique qu'autre chose de voir ces personnages s'entuber les uns les autres à grosses ficelles (comment ne s'en rendent-ils pas compte ?), on n'y croit pas plus qu'à un bon vieux polar à l'ancienne, et le roman ne raconte finalement rien du tout. Ni sur les affres de la célébrité, ni sur les rapports amoureux déviants, ni sur l'Allemagne contemporaine (l'histoire se veut visiblement symbolique d'une certaine idée de l'Allemagne vouée à la déchéance), ni sur rien du tout. Du coup, quelques minutes après, il ne reste plus rien de la lecture, à part de jolies ambiances et une belle description des sensations de la plongée.