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Shangols
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17 août 2013

LIVRE : L'Esprit de l'Ivresse de Loïc Merle - 2013

l'esprit de l'ivresseLes vieux de la vieille ayant cessé de nous surprendre, c'est vers les premiers romans qu'il faut se tourner ces temps-ci pour avoir de la nouvelle langue comme on aime, arrêtez-moi si je suis seul dans mon cas. Et de la nouvelle langue, et de la belle, de la puissante, de la géniale, je vous en ai dégotté avec ce bouquin absolument renversant, qui non seulement ne ressemble à rien de ce qui existe, mais envoie aussi avec une belle santé la langue de papa dans les orties. La révolution est d'ailleurs le thème du roman, qui nous montre par le menu une insurrection de quartier devenir nationale puis évoluer vers le renoncement, à travers trois personnages emblématiques : un brave vieux de banlieue qui va, malgré lui, mettre le feu au poudre de sa cité des Iris et déclencher le Printemps Français ; une militante féministe activiste qui va faire de cette révolte désordonnée un combat politique ample (bien que très personnel...) ; et le Président de la République, en fuite, qui va dresser un bilan de sa triste vie. Trois personnages qui ne se croiseront pas, mais dont les destins sont liés par une certaine conception de la rebellion ou de l'obéissance, par une certaine façon d'envisager leur posture par rapport au monde d'aujourd'hui. Autour de l'évènement (la grande Révolution), ils vont chacun avoir leur place, leurs tourments et leurs grandeurs.

Jamais (en tout cas depuis les scansions de Philippe Malone) je n'étais tombé sur une écriture aussi parfaite pour exprimer la révolte, le combat politique, le chaos des pensées et des évènements qui forment l'actualité en marche. Extrêmement dense, ardu même parfois, le roman de Merle brasse 20 siècles de rebellion, les condensant en un seul fait. L'ambition du livre est énorme : parler, par l'écriture, de ces soulèvements populaires qui naissent un peu partout, de cette jeunesse qui brûle des bagnoles par ras-le-bol, de ces politiques qui à force de concessions ont perdu de vue leurs idéaux, de ces combattants libertaires qui finissent déçus et lessivés, de cette énergie collective des grèves générales et des manifs violentes. Et que ce soit dans la description d'une charge de CRS ou dans celle des ravages amoureux qui se font dans la tête de la militante, que ce soit dans le catalogue de l'ascension du Président ou dans les discours des AG, l'écriture est toujours bluffante, explosive, prise dans un chaos invraisemblable, ponctuée au millimètre. On est proprement happé dans ces longues pages sans paragraphes, dans ces enchevêtrements de descriptions, de monologues intérieurs, de lettres, de flashs-back, de questionnements intimes et d'actes concrets, et on avale ces pages pourtant très touffues en un seul bloc. Poétique mais les deux pieds bien sur terre, pragmatique mais rêveur, théorique sans leçons, L'Esprit de l'Ivresse donne à entendre la Révolution, tout simplement ; et malgré la grande mélancolie qui marque la dernière partie du livre, qui vire même au désabusement, l'impression qu'il en reste est celle d'un combat avec l'écriture, combat encore plus physique qu'intellectuel. Qui peut se vanter aujourd'hui de pratiquer une langue aussi proche des corps, de la chair, de l'énergie ? Un chef-d'oeuvre.

Commentaires
G
C'est pour que vous puissiez en acquérir une pile dès sa sortie, Maldoror. Il faut ce qu'il faut.
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M
Le livre n'est pas encore sortie et Shangols en parle déjà ... Trop fort ! Moi pauvre manant j'attendrai.
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