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Shangols
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29 juin 2013

Cocksucker Blues de Robert Frank - 1972

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Ce spleen du suceur de teub (littéralement) est un docu sur la tournée des Rolling Stones en 1972, peu de temps après le fameux concert d'Altamont, meurtrier, filmé précédemment par les frères Maysles. Concert qui marquât dans le drame la fin d'un cycle, voire d'une époque, pour le groupe autant que pour l'utopie baboss. Quelques années plus tard, que reste-t-il des pierres qui roulent, en pleine décroissance du hippie-style, en pleine crise d'identité, mais aussi au sommet sûrement de leur talent (la tuerie "Exile on main Street" vient de sortir) ? Eh bien il en reste les éternels sex, drugs & rock'n roll, ils vous remercient. En immersion hébétée au sein du quotidien des compères, Frank laisse traîner sa caméra partout, captant de purs moments de vérité, et révélant un univers clos sur lui-même assez hallucinant. Pas de censure ici : on voit tout, des partouzes à bord des jets privés aux injections de morphine et aux pétages de plomb de Keith Richards. Dans un montage épileptique mais finalement assez judicieux, Frank rend compte de ce que c'est réellement qu'être un Rolling Stone à cette époque. Pris dans un tourbillon d'interviews, de concerts, de voyages, les rocks-stars vivent une existence complètement déconnectée du monde, camés du matin au soir, enfermés dans de glauques loges ou dans de lisses chambres d'hôtel avec des inconnues à poil ou des pique-assiette sans identité. Et c'est d'un ennui total.

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Car c'est bien ça que Frank arrive le mieux à capter : l'ennui profond qui est rattaché à tout ça. Les Stones ne s'adressent jamais la parole, semblent vivre chacun dans sa solitude, ne font pas grand-chose (une vague partie de cartes ou de billard, un coup d'oeil à la télé, la piste d'une chanson murmurée du début à la fin du film par Jagger), ne peuvent pas sortir, et meublent le temps entre deux concerts en faisant n'importe quoi : on balance sans joie une télé du cinquième étage, on fait chier en ricanant le room-service, on accueille Warhol ou Capote sans envie, on zieute le cul de la recrue du soir, et surtout on se pique et sniffe à qui mieux mieux avant de s'effondrer. Pas très gai, non, et loin de l'image glamour habituelle. On comprend que les gusses aient refusé la sortie du film : leur image n'en sort pas réhaussée. Y compris musicalement d'ailleurs : les nombreuses scènes de concert filmés font apparaître un groupe certes dopé à l'énergie mais un peu en perte de vitesse artistique ("Brown Sugar" à contre-temps, aïe). Mise à part une super version de "Satisfaction" avec Stevie Wonder, on a un peu mal aux feuilles.

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La chair et la musique sont tristes donc, et malheureusement ça imprègne parfois un peu le film aussi. A force de filmer le vide de ces existences, Frank finit par nous ennuyer un peu. Son film aurait gagné à être coupé par-ci par-là, et à se débarrasser aussi de quelques tics typiquement "underground new-yorkais" : passages du noir et blanc à la couleur à la hâche, caméra à l'épaule vomitive, image crasseuse comme de bien entendu. On sent parfois que les Stones s'amusent de la présence du réalisateur, et jouent pour la galerie (pourtant, Frank parvient souvent à attrapper de vrais éclats de sincérité chez les Stones, des regards qui en disent long sur leurs rapports, des débuts de dépression chez Jagger lors des interviews), appuyant sur le côté provoc. Mais à part ça, voilà un vrai moment de cinéma-vérité sous influence, qui nous fait comprendre sans mot toute une époque.

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