Million Dollar Baby de Clint Eastwood - 2004
Le mélodrame est une alchimie hyper-fine : si on sait doser, ça peut être une tuerie (The Bridges of Madison County) ; si on en fait trop, ça devient risible (Million Dollar Baby). On ne peut pas dire que le gars Clint se ménage sur ce film, qui sur sang et eau pour nous faire verser notre larme à la fin. Mais trop c'est trop : on reste de marbre devant ce scénario cousu de filin blanc, devant ce jeu d'acteurs usé jusqu'à la corde et devant ces effets attendus de bout en bout. On sait toujours 10 minutes avant les personnages ce qui va se passer : Clint en vieil entraîneur de boxe qui refuse de s'occuper de la jeune nana qui sollicite son aide ? On sait qu'il va accepter dans trois scènes. La boxeuse qui gravit les marches du succès ? On sait que la méchante Allemande (au jeu aussi fin que Christian Clavier) va lui faire sa fête. La malade qui supplie en vain qu'on l'achève sur son lit de souffrance ? Préparez la machine qui fait biiiiip. Etc. Certes, on rétorquera que ça fait partie du charme de nous entendre conter toujours la même histoire, comme à des enfants, et que le plaisir est aussi dans les vieilles recettes éprouvées. Oui, sauf qu'on n'est plus des enfants, contrairement à ce que Clint semble penser, soulignant jusqu'à la caricature les caractères de ses personnages (une Hilary Swank en Heidi simplette, un Morgan Freeman en vieux briscard éternel, une mère indigne digne d'un Walt Disney, un jeune boxeur débile mental complètement invraisemblable, un Clint dans ses pantoufles). Le film appuie tellement sur ses règles de grammaire à l'ancienne qu'on finit par en voir les coutures.
Alors bien sûr, il y a encore de très belles choses là-dedans : la photo de Tom Stern, bien entendu toute en clair-obscur (sinon c'est pas du Eastwood) ; la façon de filmer les combats de boxe, impeccablement claire et lisible, qui nous plonge en immersion dans les subtilités du sport, dans sa technique ; un passage parfois intéressant du mélodrame hollywoodien vers la tragédie grecque. Mais ça ne suffit pas : on somnole devant ce film boursouflé et inutile, archétype de ce que fait Eastwood quand il en fait trop.
All Clint is good, here