Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 juin 2013

Le Passé d'Asghar Farhadi - 2013

REVIEW-Le-Passe-d-Asghar-Farhadi-va-vous-mettre-a-genoux_reference
Le Passé
, ça pourrait être tout ce que je déteste : du cinéma psychologique avec des acteurs concernés et un drame intime qui passe dans le visage tourmenté d'une Romy Schneider en mousse. Mais comme pour Une Séparation, Farhadi parvient par on ne sait quelle magie à transcender le genre, et livre un film magnifique, aussi bien écrit qu'il est mis en scène. L'histoire "apparente" est celle d'un Iranien qui revient quelques jours en France pour clore son divorce et laisser son ex vivre sa nouvelle vie amoureuse. L'autre histoire, qu'on perçoit peu à peu en filigranne, est celle d'un ange envoyé en mission pour recoller les morceaux de plusieurs vies qui s'effritent, à commencer par celle de son ex-femme. Il y a en effet quelque chose d'angélique dans ce personnage principal, incarné avec une infinie douceur par le bouleversant Ali Mosaffa : son bon sens, sa patience, son sens de l'écoute font que tous les problèmes qui viennent se heurter à lui (et ils sont nombreux) sont finalement résolus. Il arrive dans l'histoire par les airs, à la première séquence, et disparaitra de l'écran de façon presque magique (le beau plan où il est recouvert par les arbres) ; entre temps, il aura résolu nombre de soucis liés au passé, le sien, celui de sa famille, celui du nouvel amoureux de sa femme.

passe600
Tout est question là-dedans d'incommunicabilité, de choses qu'on ne dit pas et qui vous pourrissent la vie. Dans la première scène, le couple se parle à travers une vitre, et on n'entend pas son dialogue : ça va être la clé de sol de l'ensemble du film. Le rôle d'Ahmad va être de faire réagir les gens, de les faire parler, crever les abscès et les non-dits. Le plus fort étant que le film résoud tous ces dilemmes psychologiques en devenat un vrai suspense à rebondissements. Au départ, on ne sait rien de ces personnages, et c'est patiemment, tranquillement, que le scénario dévoile sa trame, ajoutant évènement sur évènement jusqu'à dessiner des personnages profonds, pris dans une aventure complexe. D'où une impression de page blanche qui se remplit peu à peu ; d'où la sensation d'un film à tiroir, chaque révélation en cachant une autre, chaque information ne servant qu'à rendre plus compliquées les situations dans lesquelles sont enfermés les personnages.

passe-asghar-farhadi-L-PLtN42
L'attention aux acteurs est totale, et tous sont excellents, des enfants aux adultes. La palme à Tahar Rahim, sans doute, qui fait subir à son personnage une métamorphose spectaculaire au fur et à mesure des deux heures de film : de brute renfrognée à petit mec lumineux et tourmenté (le plan-séquence final est une pure merveille, qui démarre sur des cadres froids et lointains avant de s'approcher jusqu'à l'infime gros plan sur un potentiel mouvement de doigts), il passe par des scènes casse-gueule au possible (le dialogue avec l'enfant sur le quai du métro, magnifique) et par tout un tas d'émotions vraiment rendues avec une justesse impressionnante. Mais Le Passé n'est pas qu'un "film d'acteurs" : la mise en scène est passionnante, surtout parce que, constitué à 99% de dialogues, le film n'est jamais ennuyeux : science du champ/contre-champ qui confine au film d'action (le rythme de chaque coupe est parfait), découpage impeccable des séquences, on est suspendu aux lèvres des personnages, attendant le prochain évènement bouche bée. La profusion de dialogues permet de mettre en valeur les suspensions de son, simples cadres sur deux mains qui se touchent, sur la gêne entre deux mecs assis à la même table. On regarde ça comme une leçon de grammaire cinématographique, mais sans jamais que ça sombre dans le faisage : on reste avant tout du côté des sentiments, des émotions, et c'est vraiment touchant. Au final, on est bien obligé de l'admettre : Farhadi nous a eus une nouvelle fois, malgré qu'on en ait.

le-passe-tahar-rahim-ali-mosaffa

Commentaires
S
Certains, j'en suis sûr, penseront avoir vu se serrer cette main... Et qu'elle bouge ou non, l'histoire, elle, continuera longtemps après le générique.
Répondre
Derniers commentaires