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Shangols
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31 mai 2013

Le grand Chantage (Sweet Smell of Success) (1957) d'Alexander Mackendrick

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Film noir virtuose que cette œuvre de Mackendrick qui, après A high Wind in Jamaica, nous a résolument régalé ce mois-ci. Burt Lancaster, en éditorialiste influent, et Tony Curtis, en agent de presse "opportuniste" (c'est un euphémisme) peuvent donner la pleine mesure de leur talent, l'un en sombre personnage introverti (un type amoureux de sa sœur est rarement jouasse), totalement fasciné par son propre pouvoir, l'autre en petit gazier gouailleur et démerdard, toujours à l'affût d'un coup juteux. Un film noir sans cadavre ni meurtrier, ce n'est point si commun me direz-vous : c'est oublier la plume assassine de Burt et les coups (ou la langue) de pute mortels de Tony, deux experts manipulateurs en leur domaine, l'un cherchant à tout prix à se débarrasser d'un jeune homme trop pressant (touche pas à ma soeur), l'autre étant prêt à tout pour rentrer dans les bonnes grâces de Burt (la simple mention d'un nom dans ses colonnes valant de l'or).

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Rarement vu Tony Curtis dans un tel rôle d'enfoiré, un enfoiré qui sait non seulement user de ses charmes (sa gouaille envers ses clients et diverses créatures féminines, ses petits sourires (d'hypocrite forcené)...) mais qui sait aussi faire fi de toute mauvaise conscience pour parvenir au sommet : il est prêt à se vautrer dans la boue pour plaire à Burt Lancaster, personnage d'une suffisance à vomir. L'intrigue est en elle-même assez simpliste - Curtis doit s'arranger pour salir la réputation d'un type - mais le plan échafaudé pour y parvenir relève, lui, de la haute voltige... Petite virée dans le "swinging" New-York des fifties où la soif de succès et de pouvoir transpire par toutes les pores de ces deux individus emblématiques. L'immense talent de Mackendrick réside dans cette capacité à faire virevolter sa caméra pendant plus de quatre-vingt-dix minutes autour d'une galerie impressionnante de personnages parfaitement dessinés (du flic pourri jusqu'à la moelle jusqu'à ce jeune guitariste intègre, l'amoureux transi de la soeur (fragile et diablement mimi Susan Harrison) en passant par toute la faune du show-biz (critique, journaliste, artiste, agent, "starlette"...)). On passe d'un lieu à l'autre en un clin d'oeil et on reste baba devant la virtuosité de chaque plan avec ces mouvements de caméra toute en subtilité qui ne cessent de tourner autour des personnages comme pour en capter chaque facette - et ça fonctionne à la perfection tant chaque individu prend tout son relief. Point de meurtre crapuleux, disais-je, mais une plongée dans la noirceur machiavélique des coulisses du show-biz absolument fascinante. Un must.   (Shang - 23/04/11)

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Une bien belle chose, tout à fait tout à fait, camarade Shang, et même un pur bijou. Par-delà les rapports humains affreux décrits par mon camarade, qui frôlent même le shakespearisme dans ces portraits hyper-contrastés, on admire aussi la formidable façon de montrer la ville. Les nombreuses scènes de rue, ou celles qui se passent dans des bars bondés pleins de putes, de musiciens de jazz et de petites frappes en tous genres, sont splendides : noir et blanc tranché au scalpel, musique jazz percusive, le film parvient, dans ces moments-là, à rendre palpables l'odeur du bitume, l'atmosphère enfumée, la frénésie des lieux. C'est comme si la ville, dans ses excès, dans sa folie et dans ses rythmes, était un reflet de la mentalité des personnages, projetant à l'extérieur leut hystérie intérieure. La crapulerie immonde de Tony Curtis (un des plus beaux salauds de l'histoire du cinéma, à coup sûr) est décuplée par cette impression d'étouffement qui vient de ces scènes de foule ; la cruauté froide de Lancaster par ces intérieurs grand crin, filmés dans des contre-plongées affolantes, qui écrase tout en même temps qu'ils éclatent de luxe. C'est vraiment dans cette manière de se fondre dans les lieux, d'en mettre en valeur toute la sève, que le film convainc le plus, encore mieux que dans son retors scénario ou dans le jeu irréprochable de tous les acteurs. : Mackendrick, même serré entre deux voyous ou coincé au milieu de la dense circulation du "Village", s'arrange toujours pour inventer de subtiles lignes entre les êtres, des relations de regardant-regardé, dominant-dominé, prédateur-proie, induits par de faussement simples champs/contre-champs, par des placements de caméra hyper-audacieux (la scène du flic qui attend que sorte sa victime), par des arrière-plans plus parlants que les premiers (tous ces plans qui laissent le personnage principal en amorce alors que l'action se poursuit au fond, comme une projection de son subconscient, comme pour montrer que c'est lui qui tire les ficelles).

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Bref, l'impression de pénétrer de plain pied dans un "classique de chez classique", tant l'esthétique d'ensemble est forte. Un peu comme La Soif du Mal de Welles, quoi, une aura mythique venue d'on ne sait où, mais qui imprègne ce film noir dès les premières secondes. Du pur.   (Gols - 31/05/13)

Noir c'est noir, c'est

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