La Maison rouge (The red House) (1947) de Delmer Daves
Même si ma copie n'était pas au top, cela ne m'a pas empêché de vibrer à cet excellent petit film noir teinté de mystère de l'ami Daves. Edward G. Robinson, avec sa jambe de bois et son allure d'éternel lamentin, trouve là l'un de ses rôles les plus inquiétants (et Dieu sait que je commence à la connaître, sa filmo) : il vit dans une ferme, à l'écart, avec sa soeur (ah oui, c'est jamais bon signe ça...) et une jeune fille qu'ils ont adoptée (des parents morts... dans des circonstances troubles devine-t-on dès le départ... hum hum)... La jeune fille, Meg (Allene Roberts qui passe du look nunuche à celui de la donzelle joliment épanouie...) n'a po le droit d'aller dans les bois, Edward lui interdit... Un bois, gamin, dans lequel se trouverait une mystérieuse maison rouge, un bois, gamin, dans lequel les esprits frappeurs portent bien leur nom... On croirait presque entendre le pitch d'un Shyamalan mais heureusement ce n'est pas un Shyamalan... Cette petite famille, sur laquelle on raconte des trucs pas très catholiques, semble vivre paisiblement, au moins en apparence... ou disons du moins jusque-là. Car la chtite Meg, en introduisant son ami Nath dans la bergerie, semble réveiller d'anciens démons (...) ; il vient pourtant simplement aider Edward à bosser et ne semble pas a priori devoir troubler l'ordre de la maisonnée : il est maqué à ce qu'on appellerait aujourd'hui une cochonne blonde - Julie London as Tibby - (et qu'on appelait alors une cochonne blonde) et ne semble du même coup pas s'intéresser à la chtite Meg un peu niaise... Il va en fait, le gars, mettre le feu aux poudres à ce qu'on serait tenté d'appeler une véritable bombe à retardement (deux fois plus de chance d'exploser alors ? Voilà, vous avez tout compris).
Des bois sombres on ne peut plus mystérieux, un Edward tellement protecteur et jaloux par rapport à sa gamine qu'on finit par avoir des doutes sur ses relations avec elle (surtout lorsque dans ses phases de plus en plus nombreuses de "déphasage", il se met à l'appeler Jenny... comme son ancien amour... t'vois l'genre), une jeunesse bouillonnante qui s'éveille sexuellement : Nath entre la tentatrice et la sage, la cochonne entre le jeune homme à éduquer et le trentenaire à exciter... Bref, ça sent le cul comme dirait un peu trop familièrement un vieux comparse. Daves nous donnera notre lot de sensualité avec ses jeunes corps qui s'étreignent, de tendresse avec ces gros plans sur deux jeunes amants, de fougue et d'ambiguïté... La première partie pose les bases d'un suspense haletant (cette forêt où souffle la tempête qui fout résolument les boules, cette inquiétante partition musicale du sieur Miklos Rozsa...) et l'on sent que l'on sera forcément déçu dès lors que le brouillard se lèvera. Ben pas tant.
Daves nous fait mijoter entre ces petites amourettes plus ou moins légères et un climat tragique qui semble inexorable : on fait progressivement connaissance avec un homme qui vit dans les bois - un certain Mister Teller (Rory Calhoun, la tête de sauvageon de l'emploi) - un type capable de tirer sur tout ce qui bouge... Ah putain, ça va mal finir, on le sent. Belle atmosphère poissarde tragico-nostalgico-sexuelle (mouais) qui nous entraîne dans des sables de plus en plus mouvants... En un mot, une belle réussite (peut-être une oeuvre plus angoissante au début qu'à la fin, mais ne pinaillons point) même si je n'avais pas, à portée de fusil, une copie dvd ultime... Bah c'est bien aussi ces films dont l'image craque à chaque changement de bobine, cela a presque autant de charme que ces bons vieux vinyls.