Ils n'ont que vingt Ans (A Summer Place) (1959) de Delmer Daves
Certains lecteurs m'avaient prévenu : attention, A Summer Place n'est pas pour vous, vous allez encore trouver cela gnangnan... C'est mal connaître mon esprit de contradiction, les ptits gars. Même si le film tire un peu en longueur - 130 minutes, c'est bien 30 de trop -, même si certains acteurs (notamment le couple de jeunots, Troy Donahue et Sandra Dee, ont un jeu aussi figé que leur permanente) sont loin de nous faire vibrer, il y a dans cette oeuvre de Daves à la fois un soupçon de Sirk (dans l'histoire d'amour mise de côté pendant 20 ans par Richard Egan (as Ken Jorgenson) et Dorothy McGuire (as Sylvia Hunter) : ils se retrouvent, s'aiment plus que tout, sont prêts à divorcer (à la fin des années cinquante, attention...) et à perdre pour un temps leur enfant (Troy et Sandra, eh oui) pour vivre cette grande passion ; dans l'image, les couleurs, les costumes qui flirtent vraiment avec l'univers fifties du grand Sirk ; dans la musique, très présente, de Steiner qui vient souligner plus ou moins subtilement chaque émotion...) et de Preminger tendance Bonjour Tristesse (ces allusions frontales à la nudité, à la sexualité qui vont choquer cette pauvre Constance Ford (as Helen Jorgenson) aussi frigide que barjot). Il faut avoir certes le coeur un peu chamallow (mais cela tombe bien, c'était un dimanche) pour apprécier à sa juste valeur cet amour incontrôlable entre Ken et Sylvia, nos deux héros à la quarantaine bien tassée - surtout pour elle, hum... Ils se retrouvent la nuit dans un hangar à bateaux dans le dos de leurs conjoints respectifs, s'embrassent comme deux ados qui ne peuvent résister à cette attirance incontrôlable - bien que les deux savent tout ce qu'ils peuvent y perdre (et je ne parle même de l'aspect scandaleux du bazar si l'histoire venait à être éventée...), osent à peine faire des plans sur la comète...
L'amour entre eux sera plus fort que tout (eh oui !) et Daves de passer progressivement de notre petit couple dans la force de l'âge à celui formé par nos deux jeunes gens : faut-il être dans sa pleine maturité pour savoir exactement ce qu'est l'amour ? Nos petits jeunes qui baisouillent dès le premier soir ne risquent-ils pas de mettre en l'air leur jeunesse en commettant "l'irréparable" - avoir un enfant ? Eh oui, jeunes gens, mettez-vous du plomb dans la tête !!!! Mais si, en fait, l'amour était encore et toujours "plus fort que tout" - tu l'as déjà dit / oui, je sais, mais j'insiste -, genre une force contre laquelle ce serait même pas la peine de lutter... si ce n'est pour se faire du mal et finir malheureux (à l'images des deux autres protagonistes de l'histoire, totalement laissés pour compte, Mme Jorgenson aussi bandante qu'un arc sans corde et Mr Hunter aussi alcoolique qu'un litchi dans du rhum)...
Daves prend tout son temps pour laisser à nos six amis le temps de dévoiler leurs états d'âme, et n'hésite pas à appeler un chat un chat quand il s'agit d'évoquer, ouh là là, ce démon qu'est le sexe ; entre les allusions franches et directes à la nudité du Mister Hunter et les déboires de la pauvre chtite Sandra qui doit se faire osculter par un médecin pour montrer qu'elle est toujours "pure" (sa mère est proprement obsédée par l'idée de toute pénétration... à tel point qu'on se demande comment elle-même a pu un jour passer à l'acte...), les séquences de baisers volés entre quadras ou ados à l'ombre des regards malveillants, on se dit que Daves fait une oeuvre en cette fin des fifties sûrement moins lisse qu'elle en a l'air. Rien de supra-mirobolant, nan, mais le Daves prouve qu'il n'a pas complétement perdu la main quand il s'agit de traiter avec réalisme et sincérité du domaine sentimental...