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21 avril 2013

LIVRE : Sous la Ville rouge de René Frégni - 2013

liv-3061-sous-la-ville-rougePetit thriller sans envergure et sans vraie volonté, Sous la Ville rouge est certes sympathique et bon enfant, mais manie bien trop de clichés pour qu'on n'en sorte pas sérieusement dubitatif. Frégni semble aimer Marseille, ville polardeuse par définition, c'est son droit, et du coup il met son point d'honneur à en décrire les atmosphères : Marseille, sa petite pègre amateur, sa saleté, sa dangerosité, mais aussi son énergie et son côté "village". C'est la partie réussie du livre, ce portrait d'une cité qui déteint sur la psychologie de ses personnages. En l'occurrence, le "héros" est un écrivain débutant, délinquant repenti et boxeur passionné, qui attend depuis longtemps que son manuscrit soit accepté par les maisons d'édition. Frégni est plutôt bon dans la description du quotidien du bougre, les ambiances de la salle de boxe, les amitiés avec de braves gars légèrement truands mais humains. Certes, l'écriture tombe très souvent dans un folklore sur-visité d'une ville colorée et bigarrée, et Frégni n'est pas avare en imagerie d'Epinal pour décrire ces quartiers sales dès le matin et bruyants jour et nuit. Mais, ma foi, c'est vrai qu'il parvient bien à nous faire sentir la ville, dangereuse et attachante, minable et grandiose.

Là où le bât blesse nettement plus, c'est que cette atmosphère semble gagner l'écriture même, qui devient une sorte de catalogue de bon sens provençal assez dommageable. Les refus systématiques des éditeurs font bouillir la haine dans le coeur de notre héros, qui va aller jusqu'à commettre l'irréparable à l'encontre d'un de ces mandarins parisiens. Une méfiance envers l'intellectuel, envers l'érudit, que malheureusement l'auteur semble partager avec son personnage : on est un peu gêné de lire ces pages où il décrit la différence entre les hommes les vrais (ceux de l'école de la rue) et les ennemis, ceux qui réfléchissent (en gros). Des réflexions comme "cet écrivain était admiré des femmes, mais mettez-le au stade vélodrome et il se fera dégommer" (je résume) sont bien un peu douteuses, si je peux me permettre ; surtout quand, comme Frégni, on est publié dans la plus parisienne des maisons, Gallimard, et qu'on se pique d'être le porte-parole littéraire des masses prolétaires. C'est comme si l'auteur jubilait au moment où le meurtre de son héros se perpétue, comme s'il était d'accord avec ce mépris de l'intellectuel ; pas une seule fois, par exemple, il ne met en doute le talent d'écrivain de son personnage, pas une seule fois il n'émet l'hypothèse qu'un éditeur pouvait aussi avoir raison dans ses refus et ses choix. Non, pour lui, le fait que le gars "écrive avec ses tripes" (alors que le cerveau, il me semble, est un organe bien aussi valable) suffit à justifier son talent. Du coup, il dessine une sorte de Martin Eden moderne sans doutes, sans profondeur, de Raskolnikov de Super U, et sa vision du travail d'écriture tombe dans les cichés populistes les plus éculés. Trop court, d'autre part, pour vraiment parvenir à faire monter la sauce du suspense, le bouquin finit par mettre à jour son inutilité et son peu d'intérêt. Sincère, sûrement, mais un peu con con.

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