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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
31 août 2013

The Grandmaster (Yi dai zong shi) (2013) de Wong Kar-Wai

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Après la version de daube sur le même sujet (ici) qui a malgré tout cartonné en Chine (j’ai pas eu le courage de voir le 2…), bien sûr qu’on l’attendait impatiemment cette vision wong-kar-waienne du grande maître du kung-fu, sieur Yip. On l’attendait d’autant plus que WKW nous avait laissés sur une impression on ne peut plus mitigée avec son mollasson My blueberry Nights, à tel point qu’on finissait par se demander si le cinéaste n’allait pas rester l’homme d’une décennie, les nineties (+ 2046, intemporel, forcément...). Bien, soyons franc, même si on admire le gars Wong, on n’a pas franchement été convaincu une nouvelle fois par cette dernière mouture. Dès le départ, avec ces ralentis sur l’eau (on aura le droit aussi à la neige, je vous rassure), ces subites accélérations lors du combat de kung-fu avant de revenir sur du slow motion, on a commencé à tiquer : cela ressemblait un peu trop au montage d’un ptit malin vu moult fois ces dernières années dans les productions chinoises…  Les combats s’enchaînent en ce début de film et WKW de continuer de creuser la même ornière esthétisante ennuyante : gros plan sur tout élément du décor qui explose (324 vitres cassées, boiserie qui se transforme en pluie d’échardes…), gros plan sur tout geste de la main ultra « stayyyyle » (plat de la main sur le bide qui fait «woouffff» et l’adversaire de voler à 3 km, plat de la main sur le bide qui fait « stonk » et l’ennemi qui ne bouge pas d’un millimètre), montage à la limite de l’incohérence comme pour montrer que cela va trop vite pour tout capter (mouais)…

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Bref, on sent que le gars,  comme d’hab, soigne à mort son esthétisme, mais le feeling reste au vestiaire ; à l’image d’ailleurs de ce bordel du « golden pavillion » où l’on filme des brochettes de donzelles toutes maquillées et habillées sur le même moule : unfortunately, once again,  aucune ambiance sensuelle ou trouble parvient à poindre à un quelconque moment le bout de son nez (rendez-nous L’Apollonide hurle-t-on intérieurement chauvinement). Deux combats où WKW se refuse toute violence sortent heureusement un peu du lot (celui où il faut piquer un gâteau dans la main de l’adversaire, tout en finesse serpentesque, ou encore le ballet entre Tony Leung et la Chtite Zhang Ziyi, tout en apesanteur). C’est mieux que rien mais on commence franchement à bâiller devant cette suite de leçons de kung-fu pour les nuls. On pourrait aussi éventuellement ajouter, dans la série des combats, l’idée très cinématographique, littéralement, des fenêtres de train qui défilent (24 fenêtres seconde…) pendant que Zhang Ziyi fout une rouste à Ma San. Mais cela reste tout de même un peu maigre d’autant que le concept n’est finalement que faiblement exploité (deux plans de quelques secondes avec le train (qui fait bien 35 km de long) en fond).

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On commence à réfléchir à la chose tout en la regardant (ce qui n’est jamais bon signe) et on se dit que ce film (couleur gris-bleu, pâles orangers et tons verdâtres…) tente certes de reconstituer une époque mais que l’ensemble paraît juste terne ; sans ses couleurs primaires chatoyantes et son filmage « rock’n’roll » des nineties, WKW semble avoir quand même bien du mal à nous épater…

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Si on zappe les combats, la grande séquence digne des jeux Olympiques sur la banquise (WKW voudrait-il concurrencer Zhang Yimou ?) et cette sale histoire familiale de vengeance (Zhang Ziyi vs Ma San), que reste-t-il, dans le fond ? Il y a l’amour perdu (elle meurt) de Tony Leung pour sa femme (magnifiques gros plans du Wong sur son actrice, normal), et l’amour impossible entre Tony Leung et Zhang Ziyi (magnifiques gros plans du Wong sur son actrice, bis repetita). Les deux héros auraient pu, ils auraient dû, ils pourraient peut-être encore… mais nan, c’est du Wong, il faut savoir rester dans les regrets éternels. On serait presque prêt à vibrer lors de cet ultime face à face entre Leung et Zhang Ziyi mais plus par nostalgie envers Wong (oui, c’est du déjà vu, tout comme la séquence où, à la mort de son père, Zhang Ziyi parle à un mur… In the mood for doing the same movie…) que par réelle magie de la scène. On sent que WKW aimerait nous la jouer grande fresque, faire une sorte de Once upon a time in China and Hong-Kong (Zhang Ziyi fumant de l’opium, le thème mélodieux du film de Leone qui vient justement se faire entendre sur la fin) : il part alors à la recherche d’un grand souffle épique en étirant la conclusion avec des scènes muettes juste portées par la musique… C’est loin d’être désagréable, on serait même prêt sur le fil à trouver un certain charme à cette histoire « manquée » (oui, dans tous les sens du terme), mais on sent bien que c’est plus par bonne vieille sympathie et fidélité pour WKW que par engouement pour la « maestria » molle de la chose. WKW is not dead, nan, mais un peu blessé quand même.   (Shang- 30/03/13)

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Le beau cinéma de WKW s'est transformé en cinéma esthétisant, c'était l'écueil. Complètement creux, The Grandmaster se contente d'afficher ses feux d'artifices pour cacher son manque de fond, et notre idole de devenir sans vergogne la caricature d'elle-même : hyper-léchée, clinquante comme une pub pour Dior, l'esthétique du film ne semble avoir comme mot d'ordre que : faire encore plus stylé que Ang Lee. Les combats, filmés toujours pareil (ça s'énerve dix secondes dans un festival de sons en dolby, puis ça se calme le temps que les protagonistes se jaugent, puis rebelote), sont fatigants, montés façon épilepsie, on dirait un clip promotionnel pour Stade 2 (ou un remake de Matrix). Entre eux, WKW retente le coup du mélodrame mutique, reproduisant ses élans sentimentaux de In the Mood en pensant que c'est dans les vieilles marmites etc : mais sans sève, son histoire d'amour empêché ne remporte jamais notre empathie, faute de personnages, fautes d'enjeux réels. On en a vite rien à battre de ces compétitions entre clans ("- Moi, c'est la technique du petit renard à écailles qui claque des dents dans la brume. - Ah, ouais, ben regarde, moi je suis le héron hermaphrodite qui vole dans le ciel pâle, et je sais faire ça avec mes doigts."), et on ne comprend pas en quoi ça empêche les deux tourtereaux de s'aimer, ça doit être culturel. Le film est de toute façon tellement boursoufflé, ne sachant jamais faire simple, sur-filmant absolument tous les motifs, qu'on aperçoit jamais le fond, littéralement enseveli sous les effets "trop staïle". Alors, certes, si on est attiré par le bleu fluo, l'orange Pokemon et le rouge cerise, si nos yeux s'émerveillent à regarder une pluie tomber au ralenti, si on se satisfait à voir chaque geste, même le plus con (se gratter une oreille ou bouger un doigt), déifié par le son (on a l'impression de regarder le film un stéthoscope à l'oreille) ou par l'image, on peut aimer ce film maniéré et chichiteux. Dans les autres cas, et notamment si vous avez vibré aux films plus anciens de WKW, vous serez certainement affligé par ce cinéma d'écran vert, complètement privé de la moindre émotion au profit d'un spectacle de cirque idiot.   (Gols - 31/08/13)

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In the Mood for Wong Kar-Wei, c'est ici

Commentaires
S
Vous avez tout à fait raison Tom d'ajouter votre commentaire... En lisant les critiques françaises depuis que le film est sorti, on sent d'ailleurs ceux qui sont totalement sous le charme de ce retour du WKW et d'autres, comme moi, moins emballés par cette "fresque" qui manque malgré tout d'envergure... Après, ce petit moment en apesanteur, j'avoue...
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T
La projection m'a beaucoup plus enthousiasmé que vous, alors j'ajoute mon commentaire pour dire du bien de l'objet ! Étrange maelström d'intentions à la gloire du mouvement - film de kung fu impressionnant, fresque historique singulière, et errance amoureuse - The Grandmaster fascine et assome. Mention spéciale à cet instant suspendu, alors que la musique omniprésente s'éteint quelques seconde, pour laisser l'émotion pure nous submerger.
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