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12 février 2013

L'Impasse de l'Amour et de la Haine (Aien kyo) de Kenji Mizoguchi - 1937

144224567_640Ne reste de ce film qu'une copie toute pourrie, mais on y décèle tout de même, sous les scratchs, des petits bouts de beauté qui suffisent à notre bonheur. Rien de bien novateur dans le cinéma de Mizoguchi, hein, c'est la même histoire que d'habitude : celle d'une pauvre jeune femme, abandonnée par l'homme qui l'a mise enciente, et contrainte de flirter avec l'interdit pour gagner sa croûte dans cette chienne de vie. Prostituée pure et dure ou juste fille légère, Mizoguchi garde pudiquement le secret sur les réelles activités de la dame ; mais elle devient en tout cas comédienne, jugez la déchéance, et tombe plus ou moins amoureuse de son partenaire de scène. Il y aura par-dessus les habituelles fièvres subites frappant le bambin, les hivers rigoureux, les quolibets de la populace qui jase, bref tout ce qui justifie qu'une ride d'amertume se dessine sur le visage autrefois immaculé de la miss, à moins que ce ne soit une rayure de la pellicule, difficile à dire.

vlcsnap-2013-01-01-20h33m26s186_zpsbbad39c2Première constatation : Mizoguchi est vraiment le cinéaste des femmes. Une fois de plus, il est mû par une saine indignation quant au sort qu'on leur réserve, fustigeant la veulerie et la vanité des hommes, rehaussant l'identité féminine dans toutes ses nuances : Ofumi est un personnage complexe, d'abord soumise et effacée puis de plus en plus affirmée quand elle commence à saisir la méchanceté des hommes. Ses numéros scéniques, ses colères quand le premier amant revient et veut la prendre sous son aile, son combat pour son enfant, tout contribue à la faire sortir des clichés féminins de l'époque (surtout japonais, dirais-je, mais le film est une adaptation de Tolstoï). Même si la palette d'émotions est un poil monotone (le film est répétitif et peine à raconter autre chose que ce qui est dit dans la première demi-heure), on apprécie l'évolution de l'héroïne, et on note la belle modernité de l'ensemble.

vlcsnap-2013-01-01-20h33m04s226_zpsbfed3ba9Deuxième constatation : Mizoguchi sait vachement bien filmer la neige. Adoré ces petits décors en maquette où les toits sont recouverts de 1m50 de poudreuse, décors qui plongent une grande partie du film dans une sorte d'atmosphère ouatée, loin du monde, étouffée comme les sentiments de notre pauvre Ofumi. Mizoguchi aime de toute façon les intempéries, et prend un grand soin à enregistrer les saisons. Son utilisation quasi-systématique des plans larges est pour beaucoup aussi dans cette finesse des rapports entre extérieur et intérieur. Les plans, cadrés toujours avec minutie, caméra immobile et perspectives mises en valeur, font toujours exister les deux en lien l'un avec l'autre : les personnages sont posés au sein d'un univers naturel précis, et si ce sont eux, souvent qui imposent le cadre (le très beau plan du retour du bébé au foyer de sa mère, où chaque acteur encadre la scène, réduisant l'écran avec leurs corps pour focaliser sur le bambin), le monde extérieur existe toujours de manière importante. Monde extérieur d'ailleurs souvent menaçant malgré sa beauté : dans l'univers de Mizoguchi, on a froid, on choppe la mort, on lutte contre les éléments. Les rares fois où la caméra bouge (dans la deuxième moitié exclusivement), c'est pour se livrer à de somptueux travellings naviguant entre les pièces d'une maison ou d'un théâtre pour passer par-dessus les murs, suivre les personnages, mettre en relief des scènes tendues. La sobriété de l'ensemble (qui manque peut-être un peu de plans rapprochés : on a l'impression à la fin de n'avoir jamais réellement regardé les visages des personnages) est constante, aucun effet n'est en trop. Bref, du beau cinéma classique, avec une pointe de modernité dans le scénario : pas le plus grand film du monde, mais la grande école quand même.

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