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10 janvier 2013

Barbara de Christian Petzold - 2012

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Remarquable film au cordeau du gars Petzold, qui récupérât avec justice le Prix de la mise en scène à Berlin : rigoureux et intelligent, haletant et impressionnant, voilà enfin un portrait de l'Allemagne de l'Est des années 80 qui ne tombe pas dans une malsaine nostalgie ou dans le bon sentiment, suivez mon regard en direction de Becker ou de von Donnersmarck. Petzold prend systématiquement le revers de ce qu'on peut attendre d'un film sur la STASI et sur la RDA (si tant est que le film soit là-dessus...). A la place de la grisaille clicheteuse, on a droit à de superbes plans sur la campagne venteuse, sur la nuit qui tombe sur de petits chemins forestiers, sur des bois à la forte puissance érotique, à une mer presque fantasmée ; à la place du manichéisme ordinaire, on a droit à une galerie de personnages subtils et épais. Le tout appuyé par un solide scénario presque de thriller, au suspense impeccable, et par une mise en scène mathématique parfaite.

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Barbara, pédiatre dans un hôpital, veut fuir la RDA. Mais sa fuite possible (pour rejoindre son amoureux) est systématiquement mise en danger par tout un tas d'évènements : un médecin-chef qui la dragouille et auquel elle n'est pas insensible, une adolescente fugueuse qui la choisit comme protectrice, un jeune suicidaire à sauver, et surtout une police d'état soupçonneuse et harcelante. Notre belle et opaque doctoresse arrivera-t-elle à son but ? Le film nous montre par petites séquences souvent mystérieuses, taiseuses et froides, ce projet de fuite qui se construit en même temps que les difficultés s'accumulent. Peu à peu, la conviction politique et le ferme projet de Barbara plient sous de nouvelles possibilités : et si la beauté de la vie, c'était de rester au sein du danger et d'aider les autres ? Si l'amour, la compassion, l'empathie, le sacrifice, valaient mieux que le bonheur ? Jamais frontalement politique, Barbara interroge pourtant avec force la vanité de nos convictions. La splendide comédienne (Nina Hoss) est géniale pour exprimer sans l'exprimer ce lent effondrement moral, ce mélange de peur et d'excitation, et la naissance de la commisération et de la pitié. Son jeu est plus que sobre, presque invisible, et elle est vraiment la principale attraction de la chose : on reste scotché à son visage, pour tenter de déceler quelle émotion l'habite, quelle pensée est en train de craquer. Magnifique séquence où elle doit subir une énième fouille au corps par une flic ogresse, et où elle lâche un tout petit : "Nein... bitte..." avant de se résigner à y aller. C'est à force de minuscules réactions comme celle-ci (là un sourire, ici un toute petite angoisse qui se dessine dans les yeux) que le film parvient à nous happer à ses côtés, alors que le personnage est a priori froid et antipathique.

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Aussi bien du côté des portraits (le chef de la STASI, la maîtresse d'un collègue, le médecin-chef) que de la mise en scène, le film est un exemple de maîtrise et de retenue. Certes, on peut être lassé par le côté hyper-géométrique du montage, représentant toute une école qui commence à avoir fait ses preuves, et on peut trouver que le film, au bout du compte, a trop retenu l'émotion. Mais on ne peut qu'admirer la mesure avec laquelle tout cela est construit et écrit. Excellent moment.

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