LIVRE : La Tête hors de l'Eau (Mooch) de Dan Fante - 2000

Je sais bien que Bukowski, Kerouac ou John Fante (puisqu'il faut bien penser à lui, vu le nom de l'auteur) sont des écrivains éternels et intemporels ; il n'empêche que vouloir écrire comme eux au XXIème siècle est une entreprise casse-gueule. Dan, fils de, donc, s'en tire avec les honneurs, disons, et c'est déjà ça : son livre est dynamique, et contient indéniablement cette petite touche qui a fait la gloire de ses aînés, qu'on pourrait appeler "la loosance magnifique". Bruno Dante est un raté moderne, écrivain jamais publié, alcoolo, sexuellement assez flou, à l'hygiène pas irréprochable, l'amour et la sociabilité bien planqués au fond des bouteilles de vodka qu'il ingurgite. Il se fait engager par une société de démarchage par téléphone, rencontre une hystérique bukowskienne et s'inscrit aux AA, bien décidé à devenir quelqu'un. C'est la narration de ce quotidien ardu, entre tentations de bibines, crises de folie de sa belle et affres du travail abrutissant, que raconte Fante là-dedans, et plutôt bien, avec l'humour et le désespoir de rigueur. Quelques épisodes, quelques répliques désabusées, quelques traits de caractère de son personnage témoignant de l'héritage du père, et ça fait plaisir. Même si cette tentative effrénée de s'inscrire dans la tradition paternelle finit par être un peu génante à la longue : Dan peine à trouver sa propre voix, et pond finalement un roman "à la manière de", un peu attendu, un peu prévisible, déjà démodé. On sent la part de douleur et de dépression qui fait la sève du texte, mais il a du mal à la transcender, à en faire un de ces grands romans sur la mort du rêve américain, behavioristes et déments, qu'ont su broder ses modèles des 70's. Du coup, on oublie ça aussi vite qu'on l'a lu, et on n'a qu'une envie : relire Demande à la Poussière.