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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
26 octobre 2012

Le grand Soir de Benoît Délépine & Gustave de Kervern - 2012

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Délépine et Kervern constituent décidément des petites joies régulières qui font du bien dans le cinéma français, dans le cinéma tout court d'ailleurs. Après le grand Mammuth, les voilà de retour avec le non moins Grand Soir, qui fait chaud au cœur. On constate avec toujours la même satisfaction que les deux bougres arrivent à réconcilier cinéma radical et cinéma populaire, à être définitivement punks tout en pouvant être regardés par n'importe quel public, à faire rire avec un humour complètement déconnecté de toute référence, et à dire de façon très simple de très belles choses... C'est crasseux, amateur et de mauvais goût, mais il y a plus de cinéma là-dedans que dans n'importe quel film formaté et sur-produit actuel. On se surprend même à trouver dans ce petit film une certaine nostalgie d'un cinéma des origines, qui retrouverait une façon directe de parler des choses, un premier degré qui fait souvent défaut dans le sur-signifiance ambiante...

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C'est surtout dans son décor que le film convainc d'abord. Les gars filment la zone, la vraie, celle pleine de magasins Carrefour et de ronds-points, définissant ainsi un territoire inexploré qui a presque quelque chose à voir avec un territoire de western. C'est magnifique de voir comment ils font entrer leur personnage, lors du splendide premier plan qui part de la crête punk pour fixer la démarche avachie de Poelvoorde, dans ce décor pourri, et l'empêchent pratiquement d'en sortir jusqu'à la fin ; comme s'il fallait fouiller dans tous les recoins de ce lieu, qui va s'avérer plein de trésors : cascade purifiante, aires de jeux, petits appartements Lego, cachettes de gamins, terrains vagues... Lieu où tout est possible, et que Délépine et Kervern filment avec une vraie admiration, avec un sens du cadre épatant. C'est moche, c'est crade, mais ça montre bien leur volonté de faire entrer dans le cadre ce qu'on ne voit pas habituellement, bâtisses banales aussi bien que corps inadaptés.

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En terme de corps inadaptés, on est servis : Poelvoorde est tout bonnement extraordinaire dans la construction de son freak, tordu, sale, inadapté complet ; son travail sur la voix, sur la démarche sert superbement un personnage qui n'est jamais regardé avec ironie, que ce soit par l'acteur ou par les réalisateurs. C'est ce qu'il y a de plus beau là-dedans : les gars regardent leur personnage avec respect et amour, ne se plaçant jamais au-dessus d'eux, évitant à tout prix la caricature ou la moquerie. En gros, le regard des cinéastes respire l'amour. Un amour immodéré pour ce qui ne rentre pas dans le moule (les fabuleux décadrages à répétition qui situent toujours le punk dans une sorte de décalage par rapport à ce qu'il faudrait voir ; en atteste la marrante scène où Poelvoorde s'excite devant une vitrine-miroir, avant que le contre-champ montre les clients de l'autre côté qui le regardent vociférer : deux mondes si proches et qui ne se rencontrent pas), un amour pour le décalé, le malpropre, l'étrange... Si Dupontel est un peu moins bon dans cet exercice, ayant du mal à se départir d'un savoir-faire de comédien qui tranche avec le côté brut de l'ensemble, Poelvoorde suffit largement à notre bonheur. Dommage que Délépine et Kervern aient voulu pousser leur bizarrerie trop loin, en se payant Fontaine et Areski dans le rôle des parents : ils sont mauvais, à côté du film, trop gaguesques.

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Surtout, les gars ont une façon excellente d'aller au plus simple. S'ils ont une chose à dire, un sentiment à faire passer, ils les filment directement, en quelques secondes, avec une science du détail et du plan fixe absolument génial. Séquence superbement imaginée, au début, où pour présenter les rapports des deux frères avec leur père, on les fait parler pendant de longs instants en même temps, sans que personne n'écoute personne ; sublime plan fixe où, pour exprimer le désespoir de Dupontel privé de son petit confort, on le montre lutter contre un dérisoire arbuste isolé dans le champ (la façon très étrange de le montrer rentrer droit dans l'arbre avant de filmer dans la longueur la bagarre perdue d'avance) ; grande idée de l'arrière-plan dans le magasin de jouets, où on aperçoit Dupontel éclater les ballons des gosses pendant que son punk de frère lui cherche du boulot au premier plan. En quelques cadres comme ceux-là, les réalisateurs parlent beaucoup mieux qu'avec des mots de la difficulté de s'intégrer, et même... de l'inutilité de s'intégrer. Car, voilà, c'est bien ça : le film est punk, révolté, révolutionnaire. Il prône une vraie émancipation du monde, se mettant de façon très tranchée du côté des déclassés face aux bourgeois. C'est le punk éructant et con qui a raison au bout du compte, contre les costumes-cravates. C'est basique, mais ça fait du bien. Et en plus, les compères ne sont pas non plus béats devant la punk-attitude : le grand soir finira comme un pétard mouillé, et le film montrera tristement que la révolution n'est pas pour demain. Mais malgré le constat, il reste ces purs moments d'exaltation à l'écoute d'un morceau de musique (bande-son vintage mais magnifique) ou de quelques lignes de dialogue particulièrement belles ; et malgré cette tendance encore un peu lourde de faire des séquences-gags (les inutilités des personnages de Depardieu ou de Lanners, les scènes de Brigitte Fontaine), on reste stupéfaits par la jeunesse, l'insolence et la rébellion de ce cinéma-là. Très grand film d'Indien. (Gols 20/06/12)


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Punk is not dead. Et on le regretterait presque parfois, parce que c’est un peu chiant quand même… Sans vouloir faire mon pince sans-rire,  Délevern et Kerpine tentent de mettre un doigt bien dressé à la société, c’est tout à leur honneur ; ce qui est dommage c’est que leur court-métrage est beaucoup trop long. Suite de sketches qui sentent l’impro totale et la caméra cachée, Le grand Soir accumule les séquences qui tombent à plat. Quelques idées éparses (l'arbuste, la vitrine comme le soulignait l'emballé Gols) au milieu d'une morne plaine scénaristique. Poelvoorde et Dupontel (qui se prend pour Victor Mature dans The last Frontier, juste retour des choses...) sont en free lance dans ce western urbain qui tourne à vide (ou dans ce road movie en banlieue commerciale qui tourne en rond) et s’ils semblent s’amuser (en tant qu’acteurs - Poelvoorde définitivement un ton au dessus de Dupontel qui semble reprendre éternellement les mêmes tics de son époque sur Canal) à jouer les sales gamins with No Future, ils sont souvent bien les seuls. Ah, quel enfer que ce monde contemporain plein de consommateurs avec des vidéo-caméras partout sans parler, ma bonne dame, de ces téléphones qui peuvent maintenant filmer les moindres pétages de plomb (Dupontel en cow-boy sous acide), quel manque d’humanité (la fine métaphore de Dupontel qui, par ses quelques mots, sauve, pour un temps, un suicidaire… qui trouvera tout de même un moyen plus festif de mettre fin à ses jours…) dans ce monde du "chacun pour soi", où il est si ardu de se sentir libre… D & K ont dû écrire en tout et pour tout deux dialogues - qui sonnent un peu creux et mièvre - laissant gentiment P & D se cogner la tronche dans le béton des villes. Pour faire chier Sarko, je dis pas, mais ce n’est, déjà, même plus d’actualité… Triste soir avec des indiens un peu trop au ras du goudron... (Shang 26/10/12)

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