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24 septembre 2012

Le Suspect (The Suspect) (1944) de Robert Siodmak

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Siodmak, London, Laughton, film noir, Ella Raines, il est clair que cela ne peut présumer que du bon. On est certes dans la broderie traditionnelle niveau scénar : Laughton, bon gars, commerçant,  bienveillant envers son (petit) personnel et toujours à même de raccompagner le soulard du coin (son voisin) chez lui, est marié à une harpie - de la bonne vieille anglaise à la voix de crécelle toujours prompte à la sournoise remarque (le genre de femme insupportable qui pourrait expliquer que le meurtre est une spécialité anglaise mais je ne suis point historien en criminologie) ; Laughton rencontre par le plus merveilleux des hasards la sublime Ella Raines, phantasme de mes nuits, rêve de mes jours mais j’insiste pas. Ils deviennent de charmants amis, elle serait même prête à plus (ouah…), c’est un peu l’alliance de la Belle et la Bête, mais comme celle-ci vit avec un monstre, cela ne semble finalement que justice… Laughton fut cachottier - il a omis d’avouer à Ella qu’il était marié -, il se fait pur en lui disant qu’il l’est - marié - et en renonçant définitivement à la voir. Come back bon an mal an chez la harpie, tentative de retour à la normale en plein christmas… Seulement la vieille, fouineuse comme une teigne, a la malencontreuse idée de dire au Laughton qu’elle sait avec qui il a fricotté ses derniers temps et lui annonce vouloir faire un scandale en ternissant la réputation de la jeune fille. Ellipse. La harpie n’est plus. Un malencontreux accident dans les escaliers (toujours pratique, l’escalier, dans le film noir), version officielle. A bloody murder d’après un agent de Scotland Yard qui a décidé de mettre le grappin sur  Laughton… Ce dernier ne veut pas tenter le diable, fait une croix sur la divine Ella - motif en or d’un (éventuel) meurtre… -, puis non, la marie, vit heureux et a beaucoup d’enf… ? Le problème c’est qu’il y a toujours des casse-bonbons : non seulement cela prend du temps d’éliminer tous les emmerdeurs de la terre, mais en plus cela finit par attirer des ennuis. Le gros et débonnaire Laughton peut-il passer à travers les mailles du filet ? Possible. Reste ensuite la conscience, ruine de l’âm(our) - en ce cas.

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Un Laughton d’une grande sobriété qui est toujours un régal à voir jouer, le visage radieux et ultra cinégénique d’une Ella Raines qui, à chaque apparition, illumine le celluloïd - et ce malgré une version du film malheureusement un peu défraichie -,  un « score » de Frank Skinner qui dès le générique envoute, un brouillard londonien à couper au couteau (la belle séquence de Laughton suivi la nuit par sa femme) qui convient parfaitement à ce personnage de Laughton parfait « dissimulateur » : derrière une façade toujours joviale, on sent bien que le gars devient de plus en plus opaque même s’il agit… hum… pour la « bonne cause » (un Dexter vintage, mouais si on veut). Le meurtre, c’est mal ? Bah quand cela permet de se débarrasser d’une vieille peau pour vivre avec Ella Raines, il faudrait voir tout de même à tempérer… Toute la réussite de Siodmak est de jouer avec cette atmosphère crispante typically british - pas de scandale hors des murs (on règle ses comptes chez soi et encore faut-il ne pas crier trop fort pour que le voisin n’écoute pas « au mur »), sourires de circonstance, bonnes manières en apparence (les deux vieilles à l’enterrement pleines de « morgue » qui ne pensent en fait qu’à boulotter) - où il s’agit de constamment garder la face (la femme battue qui cache les coups reçus par son mari sous son chapeau), tout en chargeant son histoire d’une certaine noirceur (le(s) meurtre(s)…) salvatrice. Que Laughton soit criminel ou non après tout qu’importe, il reste « dans l’esprit » un véritable - et pur -gentleman… ce qui risque justement de causer sa perte dans ce monde « vicié » (ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Laughton et Raines se fréquentent dans un restaurant italien (sans doute plus chaleureux et humain…)). Un « suspect » capable de le rester jusqu’au bout, sans être vraiment inquiété ou condamné ? Le crime ne paie qu’en l’absence de toute conscience, c’est bien là que réside tout le drame. Siodmak, Laughton, Raines : joli trio de choc pour un noir résolument solide. 

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