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6 septembre 2012

Le petit Arpent du bon Dieu (God’s little Acre) (1958) d’Anthony Mann

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Rarement le gars Mann m’aura déçu, rarement m’aura-t-il autant enchanté. Imaginez une famille déjantée à la Wes Anderson avec des jeunes femmes belles à se damner comme dans un Antonioni filmée dans un sud torride des Etats-Unis cher à Tennessee Williams ou à Elia Kazan… Vous avez du mal à visualiser ? Le mieux serait encore de se précipiter sur ce petit bijou philosophico-comique – je pèse mes mots – emmené par un Robert Ryan en pater cul-terreux absolument magnifique du début à la fin. On commence à bien le connaître, notre Robert, à force de le côtoyer dans des rôles de grandes gueules couillues. Quand il apparaît la première fois à l’écran, aussi mal rasé qu’un mur qu’on évite, en fou furieux creusant des trous et parlant comme un vrai bounoume (le Bourbonnais comprendra) sudiste, on se dit que le Mann a osé le contre-emploi… Mais notre homme est tellement crédible dès la première syllabe qu’il éructe qu’on oublie vite le Ryan pour ne voir que le Ty Ty…

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Ty Ty est donc père d’une famille nombreuse : d’abord ses deux fils qui l’aident à creuser (Ty Ty est persuadé que le grand-père a enterré dans son champ des pièces d’or et il se démène chaque jour que Dieu fait comme une taupe géante) et qui s’expriment en chorus comme les Dupont/d ; seule petite différence, l’un des deux est marié à une bombasse lolobridgidesque (Tina Louise is Griselda : dès sa première apparition – le soleil jouant avec la transparence de sa mutine robe blanche – on est scotché ; chaque fois qu’elle se penche, notre regard devient aussi fixe qu’un tue-mouche). Il est jaloux de sa Griselda et on comprend vite pourquoi en faisant la connaissance d’un certain Will, un amoureux de jeunesse de la Belle, marié avec l’une des sœurs du clan (la mimi Helen Westcott). Les deux semblent avoir bien du mal à vivre (sexuellement) l’un sans l’autre et cela nous vaudra pour la peine deux séquences d’une sensualité farouche (tout d’abord résistance à la tentation puis moins…). Quatrième enfant de la meute la blondinette et peu farouche Darling Gill (Fay Spain) que reluque tant et plus un ami de la famille, un petit gros bedonnant qui ponctue toutes ses phrases pratiquement par « that’s a fact » et qui se rêve en shérif… On fera enfin, plus tard, connaissance avec un cinquième larron, le mouton noir de la famille puisque que celui-ci est richissime… mais po drôle pour un sou, soyons franc…

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On se fend royalement la pipe dès le départ lorsque Ty Ty se met en tête – sur une idée de l’aspirant shérif -  de débusquer un albinos (!), l’albinos étant, comme chacun sait, capable de voir à travers le sol. Lorsque notre pauvre gars s’élance, sa branche de sourcier à la main, en transe, à travers les champs, on touche à un très grand moment du burlesque (poilade garantie ou remboursée)… Ty Ty est proprement obsédé par cet or et ira jusqu’à creuser un trou de la taille d’une caverne jusque sous sa maison… Outre les sempiternelles histoires de famille, engueulades, jalousie, bastons (…) qui ponctuent le film, Mann s’attache au personnage de Will qui a perdu non seulement la femme de sa vie (Griselda) mais également son taff : son rêve, rallumer l’usine de coton qui nourrissait auparavant toute la vallée… Mann est là encore très fort tout au long de la séquence où Will décide de passer à l’acte : les gens au chômage s’avancent dans les rues de la ville comme des morts-vivants et pointent leur visage vers le ciel comme s’ils allaient assister à la rencontre du troisième type ; la réouverture de cette usine ne signifierait pas moins que cela à leurs yeux… Le miracle aura-t-il lieu… ? Autre quête, autre question en suspens.

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Mais revenons vers notre Ty Ty, personnage qui vit la tête dans les nuages (Mann ne se prive pas de certaines contre-plongées bienvenues), pacifiste qui passe son temps à régler les querelles de famille (querelles auxquelles il n’est point totalement étranger, comme il finira par le reconnaître : s’il avait passé plus de temps à s’occuper de sa progéniture qu’à faire des trous, ses enfants auraient peut-être un peu moins de gruyère dans la tête), croyant (surtout quand cela l’arrange) mais homme également plein de bon sens, possédant une vraie sagesse de la vie sous ses airs un poil je m’en-foutiste ; lorsqu’il se met à déclamer devant ses enfants on ne peut plus agités, parfois même violents (les mâles) ou délurés (la jeune femelle en particulier), ses paroles possèdent une sorte de vérité crue, brute (voyez, nan ?) qui révèlent son véritable humanisme. Finira-t-il par être lui-même à l’écoute de ses sages paroles ? Rien n’est moins sûr… Le mieux encore, si vous voulez un conseil, c’est que vous vérifiiez par vous-même si vous n’avez jamais eu la chance de découvrir cette nouvelle – brillante et extraordinaire – perle de Mann.  Drôle, touchant, sensuel, humain, un film plein.

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