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30 août 2012

Dionysus in '69 de Brian de Palma - 1970

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J'adore le théâtre expérimental des années 65-75 : on ne sait jamais si on doit se taper sur les cuisses ou admirer la puissance de ces machins politico-naïvo-sexuello-baboss, et ce trouble est toujours salutaire. C'est dans le même état qu'on découvre ce De Palma pré-célébrité, puisque le compère se met en tête de filmer une représentation des Bacchantes d'Euripide mise en scène façon happening par la compagnie de l'inénarrable Richard Schechner en 69. La représentation en elle-même est déjà excellente : une sorte de partouze géante, où acteurs et spectateurs fusionnent dans une transe collective impressionnante, où les paroles d'Euripide côtoient les allégories politiques contemporaines, où les frontières entre réalité et représentation sont brouillées, où sexe, sentiment, violence, drogue et musique se rejoignent dans une fête païenne et déjantée qui, franchement, marque des points. On se dit que, aussi excessif que soit ce théâtre-là, aussi ridicule qu'il puisse être aussi parfois, il avait trouvé quelque chose, une manière frontale et très audacieuse de faire de la politique et de traiter les corps. Le spectacle a tout d'une cérémonie dangereuse et sulfureuse (les spectateurs sont invités à se fondre dans le spectacle et à caresser les acteurs, l'espace n'est pas défini dans un rapport scène/salle mais tout se mélange, ce qui donne des courses effrénées au milieu du public assis au petit bonheur, l'implication physique est totale), et on assiste à ça médusé par l'invention et l'inconscience de ces acteurs.

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Pour rendre compte de cette atmosphère incroyable, De Palma choisit des options là aussi radicales mais qui fonctionnent en plein : le plan long d'abord, voire le plan-séquence. C'est un film de ses débuts, et pourtant sa grammaire future trouve déjà là un de ses meilleurs exemples. Le plan long, avec ces caméras très mobiles qui se balladent au milieu du spectacle, permet de capter l'essentiel, à savoir l'énergie, le direct, le hasard : il peut tout se passer dans ce genre de spectacle, coups de génie ou accidents, et le choix de tout filmer, avec le moins de montage possible est judicieux : on est littéralement plongé dans l'énergie de la mise en scène, comme un spectateur privilégié pouvant observer les visages et les corps de très près, pouvant se promener au milieu de l'action. C'est le meilleur hommage qu'on pouvait rendre à l'ambition de Schechner : le spectacle total, mélant public et comédiens, abolissant les règles du théâtre pour filmer la vie elle-même.

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Deuxième option éminemment palmaesque : le split-screen. L'écran est, du début à la fin, séparé en deux, et la représentation filmée en même temps par deux caméras. Là aussi, choix payant : l'invention, même faite dans le rush du spectacle, est constante. Même acteur filmé sous deux angles différents, action montrée en même temps que la réaction du public, focalisation sur un détail en occultant un des deux "écrans", De Palma essaye tout et réussit tout avec ce procédé. Il fallait être sacrément culotté pour décider de ce choix de mise en scène, le gars s'y tient et réussit grâce à ça, encore une fois, à nous immerger totalement dans le sujet. Si Schechner cherchait l'abolition des frontières théâtrales, De Palma y ajoute celle des règles cinématographiques, laissant ses caméras et ses câbles apparaître dans le champ, devenant un nouvel acteur du happening, ajoutant une nouvelle dimension à celles, innombrables, déjà mises en place par le spectacle. Dionysus in '69 est le film d'une époque, il a sûrement un peu vieilli dans le discours, mais il reste impressionnant d'audace, et s'avère au final l'un des films les plus palmaesques de De Palma. Inmanquable, donc.

Des Palmes pour De Palma

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