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18 août 2012

LIVRE : Acharnement de Mathieu Larnaudie - 2012

9782330012625Un roman intrigant et au concept fort que cet Acharnement. C'est l'histoire du nègre d'un homme politique, qui s'est isolé du monde pour tenter d'écrire le discours parfait, passant son temps entre la rédaction d'icelui et un zapping forcené de la télévision : il y plonge dans des séries policières infinies et dans la contemplation de ses anciens collègues en politique qui jouent le jeu de la prostitution diplomatique et médiatique. Sa solitude est "simplement" ponctuée par des désespérés qui sautent du viaduc au-dessus de sa propriété et viennent se crasher dans son champ. Au départ, on est un peu agacé par ce style hyper-formel, qui met son point d'honneur à construire les phrases les plus longues possible, les plus virtuoses possible, les plus impressionnantes possible. Certes, le gars manie la langue en maître, et on est impressionné par sa maîtrise des rythmes ardus qu'il met en place : les plus longues phrases retombent sur leurs pieds sans perdre leur sens, de façon très logique. Mais disons que ça sent un peu le voltigeur bénévole, le virtuose gratuit ; Larnaudie est acrobate mais tout ça ne semble mener nulle part.

Et puis, peu à peu, le concept apparaît et on comprend le pourquoi de la chose : il s'agit de creuser les limites du langage, de trouver tout ce que celui-ci cache sous son clinquant. Le "héros" cherche la grammaire ultime, parfaite, est emprisonné dans son monde de mots qui ne représentent plus grand-chose, qui ne font que cacher la misère morale de ceux qui les prononcent ; les suicidés qui s'écrasent dans son jardin sont comme la preuve que le langage est impuissant à dire l'important : la mort, le désespoir, la violence. Le personnage s'est enfermé dans un monde virtuel (les séries policières) et se trouve soudain confronté à la réalité, d'où un emballement irrépressible de la parole, qui ne sert plus qu'à elle-même. En démontant les rouages du Verbe, en montrant qu'il ne sert qu'à nous faire fuir de la réalité (et celle-ci est bien misérable sous les yeux de Larnaudie : corruption, compromis, mensonges, petits arrangements entre amis, minables ambitions, trahisons), le livre réalise quelque chose d'assez magique : se servir de la parole pour pointer l'impuissance de la parole. Thomas Bernhard n'est pas loin : même rage, même colère, même façon de revenir toujours au même motif jusqu'à ce qu'il soit vidé de sens, et même utilisation des parenthèses et autres incises dans les phrases (les répétitions du : "il dit" pour répéter les phrases les plus absurdes). On a connu pire comme modèle. Certes, Larnaudie n'est pas encore au niveau du maître autrichien, n'est pas encore assez radical, est encore un peu prisonnier dans des codes qu'il s'impose inutilement (les valses entre le "il" et le "je", pourquoi ?) ; mais son bouquin est réussi, drôle, acrobatique et finalement profond.

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