LIVRE : Famille (Jia) de Pa Kin / Ba Jin - 1933

Serais-je déjà nostalgique de la Chine... ? Euh po vraiment, mais avant de m'attaquer à la littérature comorienne (si), j'avais envie de faire un ultime petit détour littéraire dans l'Empire du milieu. Bien m'en a pris car cette histoire, située dans la Chine des années 20, est non seulement joliment troussée (cette multitude de personnages, au départ, peut un poil effrayer, mais heureusement un trio de frères, servant de véritable fil conducteur, ne tarde pas à se détacher) mais trouve encore, indéniablement, un écho dans notre petit monde contemporain. Eh oui, la société d'alors était terriblement hiérarchisée, l'ancêtre de la famille régnant sur son clan comme un dictateur... Les femmes sont celles qui semblent faire le plus les frais de cette organisation impitoyable, qu'elles soient pauvres et soient obligées toutes jeunettes de devenir la concubine d'un grabataire ou qu'elles viennent d'un milieu aisé et se voient refuser l'accès à l'éducation. Des destins sacrifiés le plus souvent pour cause de mariages forcés, autant de destins tragiques pour des femmes noyant leur chagrin dans les eaux d'un lac ou s'assèchant d'avoir trop pleuré... Quelques belles figures féminines traversent ce roman, des silhouettes qui émeuvent par leur incapacité à faire pleinement entendre leur voix.

Les trois frères font montre de leur côté d'un caractère bien différent : l'aîné, en charge des siens depuis la mort de son père, personnage plein de "bonne volonté" en surface mais qui ploie et s'écrase sous les injonctions de ses aïeux - un mariage d'amour refusé, un accouchement "délocalisé" pour cause de croyances dépassant l'entendement et au final un homme qui va perdre les deux seules amours de sa vie -, le cadet qui ne veut pas céder un pouce par rapport à ses sentiments et qui ira jusqu'à déserter la maison familiale pour tenter de faire céder ces vieilles personnes accrochées à leur tradition et leur pouvoir et enfin le benjamin de l'histoire, rebelle dans l'âme, qui va tout faire, de par ses écrits ou de par son attitude, pour s'extraire de cette glu familiale castratrice. Il est bien beau, dans ce roman fortement autobiographique, de voir flotter dans l'air une vraie volonté d'émancipation, une vraie croyance de cette jeunesse à se vouloir défaire de l'emprise / l'empire familial. Une lutte de tous les instants pour chasser les vieux "démons" de la "tradition du respect forcé" envers ses aînés... Le poids des règles ancestrales, une période politique fortement troublée et relativement sombre (la Chine et le XXème siècle...) et de jeunes esprits qui bouillonnent en espérant pouvoir renverser un jour ces valeurs d'un autre temps. La suite, on la connaît (gros "hum, hum" plein de sous-entendu) mais il n'empêche que l'état d'esprit, en constante révolte, des deux plus jeunes frères, leur sens de l'adversité, leur volonté de s'attaquer à des murailles, donnent à ce livre une réelle énergie tout à fait appréciable. Un livre à méditer encore aujourd'hui, c'est cela...