LIVRE : La Contrée immobile (The Driftless Area) de Tom Drury - 2006

Petit objet étrange et délicieux que publient les éditions Cambourakis en cette rentrée littéraire, prouvant leur goût impeccable pour dénicher des auteurs américains inconnus sous nos latitudes et ayant le don de la narration. Après le superbe Sale Temps pour les braves de Don Carpenter, les voilà qui sortent de l'inconnu Tom Drury, autre story-teller talentueux. Il y a dans La Contrée immobile tout ce qu'on aime dans la littérature américaine : une façon solide de raconter, une attention constante au territoire et aux paysages, des personnages forts, de l'humour, des meurtres et des rebondissements ; mais le petit plus de Drury, qui le rattache à toute une école qui va d'Hemingway à Brautigan, c'est le dialogues, franchement excellents. L'humour y est non seulement au taquet, mais le gars sait aussi parfaitement gérer les rythmes, la musicalité de la parole (excellente traduction, au passage). Ca donne des dialogues décalés, étranges, qui disent breaucoup sans vraiment dire, avec une nonchalance et une absurdité qui peuvent faire penser aux frères Coen par exemple. Côté trame, c'est aussi assez étrange : c'est les aventures sexuello-sentimentalo-criminelles d'un petit barman, genre loser magnifique comme on les aime. Rencontres avec des femmes "poétisées", petits drames quotidiens (dont une jolie scène de patinage qui se termine en bain glacé), errances sans envergure pour développer l'aspect "déconnecté" du personnage, minuscules aventures qui vont pourtant aboutir à une plus grande : le vol d'un sac de billets fait passer cette tramette dans le polar-thriller, sans qu'on l'ait vraiment vu venir. Peut-être que de ce côté-là, Drury est un peu moins bon que quand il fait juste de la chronique : la trame policière se heurte à des rebondissements un peu artificiels, le gars recherche le coup de théâtre et c'est pas toujours très convaincant. La fin, notamment, est assez foireuse. Mais ça reste quand même suffisamment intéressant, et surtout suffisamment bien écrit, pour passer tout seul. L'essentiel est ce talent évident pour dresser des personnages, des mini situations originales, et pour manier une langue poétique, belle et drôle à la fois. Belle découverte.