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1 août 2012

Les 55 Jours de Pékin (55 Days at Peking) de Nicholas Ray - 1963

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David Niven et sa fine moustache, Charlton Heston et ses gros biscottos, Ava Gardner et son double menton ses jolis chapeaux, les trois sur fond de Cité Interdite avec la musique suffisante de Tiomkin et 220 figurants au mètre carré... : y du glamour dans l'air dans l'Empire du Milieu, moi je vous le dis, et le gars Ray ne se prive pas d'envoyer du show dans tous les sens. La fresque est énorme, le film puissant, et on ne demande pas beaucoup plus à ce genre d'attraction foraine : des explosions, des félons bien félons, une héroïne digne et belle, et c'est plié. Aussi on est bien contents devant 55 Days at Peking, parce que les yeux sont rassasiés, à défaut du cerveau. On assiste au combat héroïque d'une poignée de diplomates et de militaires civilisés (donc, non-chinois) au coeur de Pékin, pris d'assaut par d'infâmes guerriers cons comme des nems (donc, chinois) qui veulent les déloger. Nos héros, menés politiquement par Niven et virilement par Heston, parviendront-ils à résister face à ce siège terrible ? Et surtout, combien de jours ...? Ah, oui, non, ça c'est indiqué dans le titre.

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La psychologie des personnages est sommaire, tout comme la vision politique globale de la chose. Ray enfonce mille fois le clou sur le côté multi-culturel de son groupe d'occidentaux (mélange des hymnes et des drapeaux, avec tous comme point de mire : la paix des peuples et l'harmonie ; seuls les Russes mèlent là-dedans des intérêts personnels, les ordures), et nous enfonce bien dans le crâne que, ils sont mignons, ces Chinois, mais si on peut en exterminer deux-trois, ça sera pas dommage. Pourtant ceux-ci (les seuls qui sont amenés à s'exprimer, en tout cas) parlent un anglais très pur ; mais rien n'y fait : le film montre des Occidentaux subtils, personnalisés, alors que les Chinois sont montrés comme une masse de gens à abattre. En ce sens les scènes de massacre, pour impressionnantes qu'elles soient, sont assez génantes : Heston et ses poteaux tirent à vue dans des foules de figurants indifférenciés, c'est la fête ; alors que quand un des Blancs se prend une balle, les violons sont de sortie et 30 mètres de bobine sont nécessaires à son requiem. Un peu douteux. Au niveau de la trame, ma foi c'est pas non plus Byzance, avec ces amourettes cousues de fil blanc, ces petites orphelines cromignones, ces coups d'éclat militaires réglés d'avance et cet héroïsme patriotique un peu surranné. Tout est prévisible, tout arrive dans l'ordre, ça participe aussi au plaisir, je ne dis pas. Côté personnage, la complicité Niven/Heston est évidente : le premier joue au petit poil sa partie habituelle d'Anglais distingué qui ne perd même pas son flegme quand on butte son môme ; le deuxième est plus binaire, mais convainc dans ses scènes casse-gueule (notamment celle où il doit apprendre à une fillette la mort de son père). Mais Gardner est vraiment en-dessous là-dedans, comme si son personnage de grande aristo égarée au milieu des combats était à l'image de son passage dans ce film : transparente, mal à l'aise, mal aimée visiblement par Ray qui la montre laidement, elle rate tout, et on ne croit pas à sa relation amoureuse avec Heston.

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Mais peu importent les personnages, ou même le scénario. Ce qui compte, c'est la bagarre, et là on peut dire qu'on est comblés. On voit que les Chinois ont inventé la poudre : les combats sont dantesques, réglés au millimètre. Des fusillades sur les ponts (2000 morts), des réserves de munitions qu'on fait péter (8000 morts), des chevaux de Troie (...) dressés au sein des forteresses (70000 morts)... les Chinois volent par paquets de 50 et tombent sur les scotchs exactement comme il faut, c'est la perfection. C'est le savoir-faire de cette époque : observez le 10000ème figurant tout au fond de l'écran, il joue, et il joue bien. On sent tout le soin apporté à ces séquences de pur spectacle, le métier de Ray et de ses collaborateurs dès qu'il s'agit de lâcher les chevaux. C'est du bruit et de la fureur en cinémascope, et le tout sans effets spéciaux à la con, avec juste des cascadeurs class et un sens du cadre extraordinaire. Sur certains plans, on repense aux premiers Cecil B. de Mille, aux films de Griffith : même densité humaine, même soin apporté à chaque millimètre de l'écran. Du coup, eh bien le mélodrame, ménagé doucement au milieu de ces tonitruantes séquences, fonctionne comme un joli contre-point, et on verse sa larme de rigueur dans la dernière bobine. Shang a tenu des années à Shanghai ; mais 55 jours à Pékin, ça a aussi de la gueule.

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