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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
31 juillet 2012

Margin Call de J.C. Chandor - 2012

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Voilà du solide cinéma mûri en fûts de chêne, qui sait raconter, inventer des personnages et regarder ses acteurs, ce qui n'est déjà pas si mal. Ecrin classique, voire académique, modestie dans la réalisation, mais indéniable savoir-faire dans l'écriture et dans la direction des acteurs : ce J.C.Chandor marche sur les traces tout à fait nobles des Lumet et autres Pollack dans ce huis-clos en temps réel, qui parvient à rendre passionnant un sujet a priori bien austère. Nous sommes dans une de ces firmes capitalistes glacées et mystérieuses qui dominent le monde des finances sans qu'on sache vraiment comment ni la nature de leurs activités. Un gars fraîchement remercié (imposant Stanley Tucci) transmet des informations à un jeune trader (hyper-crédible Zachary Quinto) sur une probable faillite prochaine de la firme. C'est le début d'une longue nuit, filmée en quasi-temps réel, où petit à petit cette crise interne va se transformer en crise mondiale. Ou comment une poignées de millionnaires peut plonger la planète dans le chaos en quelques heures et en quelques clics.

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Austère sujet, puisque l'essentiel de l'action est constitué de réunions dans des bureaux ouatés, de pauses clopes et de conversations d'ascenseur assez absconses. Et pourtant, Margin Call a tout du suspense d'espionnage. Grâce à cette façon très tendue de filmer les rapports humains (l'immense construction de personnage de Jeremy Irons, que je n'ai pas le souvenir d'avoir vu aussi bon), on finit par tout comprendre des arcanes pourtant ardues du capitalisme contemporain, et on suit avec un mélange de terreur et d'excitation les variations des courbes de profit qui vont de paire avec la fatigue qui s'affiche sur le visage des personnages. On ne comprend pas grand-chose et on comprend tout : Chandor excelle à nous expliquer la crise actuelle par le facteur humain. Que ce soit dans les réunions pointues ou dans les moments de "relâchement" (très belle exploitation de ce lieu froid dans tous ses coins et recoins), les personnages sont tous passionnants, épais, crédibles, même si on ne voit d'eux que leur fonction professionnelle, que leur place dans les rouages de la firme. Le scénario sait ajouter ça et là des petits détails qui donnent de l'humanité à ces pantins : le chien mourant de Kevin Spacey (lui aussi impeccable), les rapports de hiérarchie tendus avec Demi Moore, l'admiration totale de Quinto pour son supérieur... c'est à peine esquissé, ça ne détourne jamais du sujet principal, et pourtant ça ôte au film toute pesanteur. Pas mal de bonnes idées de mise en scène en plus, comme cette application à situer les "gens normaux" systématiquement hors-champ (mis à part les employés de ménages, utilisés comme des fantômes invisibles aux traders), ou cette façon de filmer la ville de haut, comme une masse anonyme sans habitants. Les dialogues, acérés, précis, philosophiques sans que ça se voit, finissent de convaincre qu'on a là un cinéaste dont la modestie est aussi grande que le talent. Bien sûr le film n'a rien de révolutionnaire, est même souvent maladroit dans le montage (le gars a du mal avec les portes d'ascenseur, c'est très drôle), ne bouleversera pas l'histoire du cinéma ; mais il constitue une très bonne leçon sur la crise économique, superbement jouée et précisément documentée. Respects, donc.

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Commentaires
P
Hihihi, son dernier film 7h58 ce matin-là est un modèle du genre...
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C
Tout à fait d'accord, Michallack. "Nos plus belles années" est un mélo démagogique (en direction du public féminin) : elle est parfaite, engagée et loyale, en amour comme en politique, lui est faible et égoïste. Passionnant.<br /> <br /> Par hasard, on m'avait conseillé "La Poursuite du bonheur" de Douglas Kennedy, ben c'est la même histoire, en encore plus horrible. <br /> <br /> <br /> <br /> Pakula est un peu léger dans ses films politiques : "A cause d'un assassinat" est trop feuilletonesque, vague et un peu délirant, "Les Hommes du président" n'est pas mal mais le sujet n'est pas très important (Noam Chomsky a fait remarquer qu'on avait appris à la même époque que le FBI écoutait depuis des années un groupuscule de gauche appelé Parti des travailleurs et que la révélation n'a choqué absolument personne...) <br /> <br /> <br /> <br /> Les meilleurs films politiques américains de l'époque, c'est Lumet, non ? Et il a fait quantité d'autres choses...
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1
Sidney Lumet n'est pas "souvent" un excellent metteur en scène, il l'est toujours. <br /> <br /> <br /> <br /> Il mérite une meilleure place, et un plus grand respect que ceux qui lui sont habituellement offerts.<br /> <br /> Par exemple, éviter de le fourrer -comme ils font tous -, dans le même sac que ce gros lourd de Sydney Pollack ferait déjà le plus grand bien à sa réputation.
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M
Ce n'est pas un film en face duquel il faut juste avoir du respect, il a une direction d'acteur, une intensité de mise en scène et un travail sur les couleurs remarquables qui en font un authentique chez d'oeuvre de cinéma. <br /> <br /> <br /> <br /> Lumet était d'ailleurs souvent un excellent metteur en scène. <br /> <br /> <br /> <br /> On pense même ici à "Douze hommes en colère" avec ce huis clos où il faut prendre une décision.<br /> <br /> <br /> <br /> La fin où Spacey enterre son chien - et tout le reste - est déchirante.
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