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Shangols
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5 juillet 2012

Maison de Bambou (House of Bamboo) (1955) de Samuel Fuller

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Un film noir, en couleur, tourné en scope, au Japon ? Pourquoi pas, vu que c'est le gars Samuel Fuller aux manettes. Passée cela dit la séquence d'ouverture - une attaque de train rondement menée -, on s'installe rapidement dans la bonne vieille série B mâtinée d'éléments interculturels qui ne brillent pas vraiment par leur originalité ("Dès son plus jeune âge, au Japon, la femme apprend à être au service de l'homme ; un ptit massage ?" - ouh-là...). On sent bien que Fuller tend pourtant à faire des efforts pour nous donner à voir ce Tokyo des années 50 - dialogues en japonais et timides tentatives linguistiques ricaines, jolie petite séquence de théâtre nippon filmée de façon très fluide, attirance pour ces intérieurs locaux qui définissent les cadres -, nous gratifie de quelques plans aériens de haute volée et prend tout son temps pour poser ses personnages : en haut de l'affiche, on retrouve donc Robert Ryan en chef de bande impérial (il a une quarantaine d'années, on lui en donne déjà vingt de plus) et Robert Stack, en policier infiltré, qui goutte aux charmes de sa mission en s'acoquinant avec la très dévouée Shirley Yamaguchi.

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Stack parvient comme dans du beurre à pénétrer ce petit gang de ricains qui fait sa loi dans la capitale japonaise. Mieux, il ne tarde point à monter en grade et à devenir le bras droit de Ryan. Ce dernier se la pète grave en incarnant le type auquel on ne peut non seulement rien cacher - il a son réseau d'informateurs - mais qui surtout se targue d'avoir un instinct infaillible pour juger son entourage. Il se mettra le doigt dans l'oeil jusqu'au coude pour cerner ce Stack et descendra lui-même son second après avoir eu le sentiment que celui-ci l'a balancé à la police - sûrement la scène que je préfère lorsque ce pauvre Griff se fait trouer la peau alors qu'il est paisiblement dans son bain : le Ryan, ultra paternaliste, lui explique dans la foulée qu'il est plus malin que tout le monde, n'ayant aucun mal dans son monologue à convaincre... un innocent cadavre. Fuller, lors de ce coup avorté dans les rues de Tokyo et lors de la séquence finale dans ce parc d'attraction qui se vide en trente secondes, filme large - une petite tendance "carte postale" qui n'est pas forcément si déplaisante vu le cadre - mais peine à vraiment faire monter le suspense : l'ultime fusillade est méchamment bordélique (Ryan a un pistolet à 128 coups, c'est po commun), et on a surtout bien du mal à vraiment s'attacher à nos deux personnages principaux qui réglent leur compte - ça tombe un peu un plat, en fait. L'ensemble passe donc tout juste la barre et on sera loin d'en garder un souvenir aussi marquant qu'un bon coup de bambou bien placé... Dépaysant, ouais, à tout prendre.   (Shang - 25/12/10)

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Pas beaucoup plus emballé que mon camarade de jeu, moi non plus, devant ce film pourtant considéré comme grand. Je reconnais tout à fait les audaces de la chose. En premier lieu, le tournage au Japon, donc, qui est quand même assez couillu 10 ans après la guerre. Fuller est très respecteux de son contexte, puisqu'il nous montre les petites habitudes des Nippons avec énormément d'attention. Décors, accessoires, grands ensembles de foules, costumes et traditions sont filmés plein cadre, le cinéaste mettant son point d'honneur à montrer son arrière-plan, à en faire un enjeu de la trame, à ne jamais tomber dans le pur folklore. Ca va jusqu'à ce couple inter-racial qui a dû faire grincer des dents à l'époque ; certes, la Femme japonaise en prend pour son grade, mais n'empêche que ce couple Stack/Yamaguchi est traité avec une très belle égalité, comme un couple allant de soi, et c'est courageux. Beaucoup aimé aussi ces intérieurs mi-hollywoodiens, mi-japonais, éclairés suavement et pleins de jolies couleurs pastels. Depuis Hitchcock, on n'avait pas vu un cinéaste aussi bien utiliser les particularités d'un pays pour en faire un enjeu dramatique.

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Et puis audace encore plus grande : les sentiments homosexuels à peine cachés de Ryan envers Stack. Là aussi, c'est très subtilement fait, ces sentiments entre caïds transparaissant dans de petits comportements refoulés : et c'est mon Ryan qui épargne Stack alors qu'il aurait dû le tuer, et c'est l'ancien bras droit qui se fâche tout rouge de jalousie, et c'est mon Ryan qui malmène la gorette de Stack, et c'est mon Ryan qui préfère buter un innocent plutôt que de seulement imaginer que son favori ait pu le trahir... Les sentiments très féminins que développe le personnage (joué avec finesse par un Robert Ryan impeccable) font toute la beauté et la douceur de ce film ; adoré, par exemple, ce plan lors de la fête où les deux "amants" sont cadrés comme un vrai couple en robe de chambre (en fait des kimonos) dans des poses allanguies.

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Bon, mais à part ça (qui est déjà beaucoup, c'est vrai), je rejoins mon camarade sur sa déception. La trame est assez médiocre, Stack est très mauvais, et tout apparaît un peu ripoliné, comme un film noir qu'on aurait plongé dans trop de rose. On ne croit jamais au danger que représente cette petite bande pas méchante (sûrement parce que Ryan est trop féminin pour vraiment faire peur), on ne tremble jamais devant les malheurs de notre petit couple, et il est vrai que le final (qui se veut très hitchcockien, encore une fois, avec ce bâtiment urbain qui devient un décor dantesque) est complètement foiré par une mise en scène illisible. Tant pis : voilà quand même un film bien original dans son genre, ma foi.   (Gols - 05/07/12)

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