LIVRE : Chasseurs de Têtes (Hodejegerne) de Jo Nesbø - 2008
Le thriller parfait, tout simplement. Imaginez que Stephen King sache écrire, ou que Stevenson aime le gore : vous obtenez Chasseurs de Têtes, délicieux cauchemar qui démarre dans les bureaux lisses des grandes entreprises pour se terminer dans les chiottes à la turque d'une ferme miteuse. En gros le héros est un recruteur de têtes pensantes, chargé de découvrir les futurs chefs d'entreprise grâce à une méthode infaillible d'interrogatoire. Par ailleurs, à ses heures perdues, il s'introduit dans les villas pour piquer des tableaux de maître. Mais cette fois, il tombe sur plus fort que lui, un ancien militaire qui va lui polluer la vie façon Terminator. La trame monte doucement, sans qu'on la voit vraiment venir, jusqu'à atteindre parfois des pages vertigineuses, où la mort, la merde et la tripaille fumantes se côtoient dans un joyeux bordel. Le livre est placé sous une enseigne très sombre, annoncée par ces deux premières pages prodigieuses, aussi métaphysiques que tendues. Et Nesbø n'hésite jamais à aller le plus loin possible dans le noir de chez noir, laissant derrière son héros des flaques de sang qui s'agrandissent de plus en plus. On a peur que tant de virtuosité débouche sur une fin un peu vaine ; on est rassuré quand on constate avec quel brio il conclue sa retorse trame, nous laissant aussi pantois qu'enthousiaste. Pas le souvenir d'avoir lu un polar aussi fulgurant depuis Ellroy, tout simplement : c'est magnifiquement écrit, sans doute sous l'influence des grands romantiques ou des grands gothiques ; c'est sans arrêt surprenant, comme une série américaine ; et ça évite les ficelles éternelles du genre par une rapidité d'exécution sidérante, un sens impeccable du rythme, et une façon très originale d'ôter à l'histoire toute digression inutile (l'anti-Stephen King, quoi) : ça va droit au but, à savoir l'enfer. J'adore sans nuance.