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23 juin 2012

Bambi de David Hand - 1942

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Ah ben oui, il est bon parfois de retourner vers l'enfance, histoire de pas devenir une brute froide. Bambi, donc, attaqué je dois dire à reculons, tant j'en gardais le souvenir d'une boule de guimauve assommante. Eh bien ma foi, j'avais tout faux : c'est un excellent film qui devrait ravir non seulement les gamins de 3 ans, mais aussi et surtout leurs psys, ainsi que l'esthète et la brute froide par la même occasion. Au niveau technique avant tout, la chose est vraiment parfaite. C'était au temps (dirais-je pour jouer au vieux con) où les dessins animés se faisaient à la sueur du Caran d'Ache, où chaque mouvement des personnages sentait l'observation patiente de l'anatomie des animaux, où chaque goutte de pluie semblait indépendante des autres, où chaque image semblait pensée et repensée pour qu'elle puisse rendre toute sa beauté. Un film d'artisan, quoi, voilà ce qu'on voit en regardant ce cartoon pourtant professionnelissime. Il suffit de voir ce sublime premier plan, travelling très lent sur la forêt déserte et profonde : la 3D n'existait pas encore, et pourtant il y a dans cette séquence un relief extraordinaire, qui densifie à fond ce décor mystérieux et onirique : une façon parfaite de vous immerger en douceur dans cet univers à la fois enfantin et effrayant, opaque et lumineux.

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Le film commence par un décor, et c'est cette forêt qui va être le personnage principal du film. On ne cessera de traverser les saisons, dans une observation presque scientifique des mœurs des animaux suivant les climats : hibernation, saison des amours, joies de la renaissance, difficultés pour manger, tout est rythmé par cet univers. Bambi est une vraie symphonie pastorale, qui abandonne toute trame définie (il n'y a pas d'histoire au sens strict, pas de progression dramatique, juste une chronologie) pour se concentrer sur une seule et belle chose : l'enregistrement de la vie dans une forêt, la simple beauté des fleurs, de la neige ou du vent dans les arbres... Certes, le film est loin d'être documentaire, le ripolinage Disney est bien là, avec ces animaux anthropomorphisés à mort, cette naïveté bien-pensante dans les rapports entre les espèces, cette mièvrerie dans les comportements. Les gars n'ont pas pu s'empêcher de faire parler les animaux (même si les dialogues sont vraiment très réduits), ils ont eu tort, le film aurait été encore plus beau s'il était resté un documentaire animé.

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Tant pis : même du côté de l'animation des sentiments pas vraiment animaux, c'est parfait : le lapin qui tombe amoureux en très gros plan, ou les chutes du faon sur la glace, sont dessinés d'une façon super fine, et quand on compare avec les productions Disney d'aujourd'hui, on se rend compte combien, aux premiers temps, les gars étaient plus subtils. Il y a toujours un sens impeccable du petit détail craquant (bon, il faut avoir 2-3 ans, hein), la souris qui se lave avec une goutte d'eau, le hibou dont la tête tourne dans tous les sens, la famille caille toujours super bien en ligne, ce genre de choses ;  mon passage préféré : Bambi et sa mère, pourchassés par les méchants chasseurs qu'on ne voit jamais, et qui laissent chacun sa petite trace de pattes sur la neige, jusqu'à ce qu'un coup de feu éclate, et que ne restent que les traces de Bambi, orphelin désormais. Et puis il y a une certaine tendance à l'abstraction, notamment dans une splendide séquence déconnectée de tout du point de vue esthétique, où le jeune Bambi découvre le monde des adultes mâles, troupeaux de cerfs en pleine course qui sont dessinés dans leur vitesse, quitte à perdre en réalisme (certains sont bleus !). Mise à part la séquence de l'incendie, curieusement mal foutue, les mirettes sont satisfaites, que ce soit pour les amateurs d'herbier ou pour les amoureux du baroque...

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Et puis, comme je disais, et même si le film reste vraiment dans l'univers des enfants sans essayer de draguer les parents (raison de plus pour l'aimer), les psys auront de quoi alimenter nombre de conférences à partir du bazar. Entre un univers matriciel complètement dépourvu de mâles (les seuls éléments masculins de la forêt sont soit des vieux (le hibou), soit des mômes) et une représentation de la virilité en Dominant Absolu (l'horreur réactionnaire de ces plans où le père de Bambi contemple sa famille du haut de son rocher, bien à l'écart du quotidien et du pouponnage, ou de cette scène où Bambi lutte contre son rival en amour pour récolter l'admiration extatique de sa gonzesse), entre la femelle uniquement considérée par son aspect reproductif et un putois appelé Fleur et dont on apprend bien plus tard qu'il est de sexe masculin (!), il y a des claques freudiennes qui se perdent, et le film servira sûrement un jour d'étalon pour étudier les mœurs des années 1940 du point de vue des rapports homme/femme. C'est super ringard, mais en même temps fait avec une telle intelligence et une telle puissance que ça force le respect ; la moralité véhiculée fait frémir aujourd'hui, mais le fait est qu'elle est déclinée avec beaucoup de sensibilité. Bon, enfin voilà : Bambi, c'est vraiment pas mal, et je le conseille à tous les amis des bêtes et à tous les partisans d'un retour à l'ordre naturel de la forêt.

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