LIVRE : Supplément à la Vie de Barbara Loden, de Nathalie Léger - 2012

Joli livre, intrigant, mystérieux, personnel, aucun doute, mais qui a le seul tort d'arriver un peu après la bataille. On en a un peu trop lu, de ces bouquins qui partent à la recherche d'un personnage célèbre (si possible iconique et culte) pour mieux scruter la vie de leur auteur, sortes de fausses biographies qui se changent en autobiographies. Carrère, Rolin, Liberati : ça semble être carrément devenu un genre à lui tout seul. Léger ne démérite pas, son bouquin est très joliment écrit, et se promène habilement sur cette corde fragile entre documentaire et introspection, entre impressionnisme et réalité. Suite à la commande d'une notice pour un dico, elle part à la recherche de la vie de Barbara Loden, cinéaste d'un seul film (Wanda), épouse de Kazan, actrice cantonnée aux seconds rôles et doublée par Marilyn Monroe puis Faye Dunaway, morte jeune sans laisser beaucoup de traces dans l'histoire du cinéma. Personnage attachant, presque romantique à force de représenter un état fragile de la féminité (la posture par rapport aux hommes qui se retrouve dans son film autobiographique), et qui devient un peu obsessionnel pour Léger qui dépasse complètement la commande pour en faire ce livre envoûtant et beau. A force de cotoyer le fantôme de Loden, l'auteur se sent comme hantée elle-même, trouvant des ponts troublants entre son sujet et elle-même, scrutant inlassablement les images de Wanda pour en extirper ce qu'elle y sent de mystère, visionnant les passages télé, relisant les interviews, rencontrant les proches, retournant sur les lieux de tournage ou de vie. L'écriture est fine, sensible, comme dans les descriptions des scènes du film, regardées avec émotion, ou comme ces brusques décrochages vers sa propre vie. On a l'impression d'un livre-puzzle, fait de petites vignettes disparates qui finissent par se rassembler pour donner un portrait de deux femmes mélées : Loden et Léger. On lit donc ça avec plaisir, avec émotion, en constatant simplement que Nathalie Léger cherche un peu trop à être à la mode avec cet énième variation autour du même thème (comment la culture populaire entre en résonnance avec nos vies), et du coup manque peut-être un chouille de sincérité.