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27 mars 2012

Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette) de Vittorio de Sica - 1948

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Pas la peine de résister : vous ressortirez de ce film en beuglant comme un veau. Partant du principe (viable) que la vie est une chienne et que les plus cools sont les premiers à morfler, De Sica nous sort un mélodrame social qui ferait pleurer Claude Guéant. On connaît tous le bazar : un pauvre chômeur se fait piquer le vélo qui lui est obligatoire pour conserver son taff ; accompagné de son trognon de fiston, il sillonne Roma pour tenter de remettre la main dessus, mais on sent bien que c'est peine perdue, et qu'on va pas tarder à replonger la tête de notre prolo bien profond sous l'eau. Scénario simplissime, trame réduite au minimum, et pourtant toute la misère du monde est dans cette tranche de vie : celle des petits, des obscurs et des losers éternels. Ce parcours à travers les petites rues de la ville est l'occasion pour de Sica de nous montrer toutes ces "couches" de pauvreté qui s'accumulent : chacun vole chacun, parce qu'on est bien obligé, l'homme est un loup pour l'homme, parce qu'il faut bien vivre. Le regard de la caméra, quasi-documentaire, est d'une justesse épatante, et on sent bien pourquoi ce film a eu une telle renommée et a inspiré tant de cinéastes : il a peut-être un peu perdu de son caractère novateur aujourd'hui, mais ce très subtil mélange entre réalité et fiction, cette façon de montrer telle quelle la ville (de Sica tourne in situ, à l'extérieur, à l'arrache souvent), ce noir et blanc clair et net, cette mise en scène faussement simple qui "ne fait que" montrer sans juger (étonnante, l'absence totale de manichéisme : tout le monde a ses excuses, tout le monde ses raisons), cet "assujettissement" aux données naturelles (quand il pleut dans le film, la recherche du vélo s'arrête), tout ça a gardé une modernité admirable. Malgré l'aspect ++ de la trame (on va de malheurs en tragédies, et on frémit à imaginer ce qu'en aurait fait un tâcheron américain...), le réalisme est de mise, et le sentimentalisme de De Sica est plus à rechercher du côté de Chaplin, avec ces nombreux plans qui semblent issus du Kid, que du mélodrame classique ou de la tradition européenne.

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Tout ça, de toute façon, disparaît derrière le rideau de larmes : on ne fait pas attention à la mise en scène ou au montage, parce que la beauté simple de ce qui nous est raconté suffit à notre émotion. Il y a là-dedans de très belles séquences, et surtout des détails absolument craquants : la petite mine du môme quand il grattouille les sonnettes de vélo pour retrouver celle de son père, le gamin bourgeois qui mange une crêpe avec son air arrogant, la fausse agressivité du pauvre père quand il croit avoir trouvé son voleur, et mille autres minuscules trouvailles qui vous chavirent le cœur. Quand à la dernière scène, elle est tout simplement ravageuse, tout comme cet ultime plan où nos deux héros disparaissent dans la foule : on peut y voir un espoir (ce père et son enfant qui retrouvent la vie en en épousant le sens, tournés vers l'aurore) ; j'y ai vu pour ma part une fermeture complète de toute espérance : de retour dans la misère, le père rentre dans le rang des miséreux anonymes qui partent à l'abattoir. Interprétez ça comme vous voulez, peu m'importe, je veux juste un mouchoir.

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