Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
28 septembre 2021

Boulevard du Crépuscule (Sunset Blvd) (1950) de Billy Wilder

sunset boulevardPDVD_010

C'est ce qu'on appelle un classique avec le plus célèbre des écrivains de série B qui n'atteindra jamais les sommets, ni les profondeurs d'ailleurs, vu qu'il finira sa course en stagnant bêtement à la surface d'une piscine : une scène que l’on découvre après un superbe premier plan, lors du générique d'ouverture, où la caméra rase le bitume de cette route mythique : le thème principal du film est donné ; on assistera à la « chute » pathétique d'une ancienne star du muet qui se désintègre à vu d'œil et à celle d’un écrivain-gigolo qui paiera très cher son sens de l'opportunisme ; si Hollywood est une machine à rêve, elle demeure hantée par les destins tragiques. Billy Wilder signe un grand film noir Hollywoodien sur la noirceur hollywoodienne, braquant sa caméra sur les stars lorsqu'elles ne sont plus dans la lumière - je ne me rappelais pas de cette séquence terrible d'ironie lorsque Gloria Swanson est "en visite" sur le plateau du dernier film de De Mille : elle chasse d'abord d'un revers de la main un des micros (forcément) qui vient chatouiller les plumes de sa coiffe grotesque puis attire les figurants comme les phares d'une voiture les papillons lorsqu'elle se retrouve éclairée par une de ses vieilles connaissances qui pointe un spot en sa direction ; dès lors que le spot se détourne, les figurants, comme "dés-hypnotisés" retournent nonchalamment à leur place, abandonnant la star à son trou noir... Une scène terriblement caustique à l'image de ce film qui semble se faire un plaisir de montrer tout l'envers du décor.

sunset boulevardPDVD_006

Joe Gillis (William Holden) est prêt à tout pour échapper à ses créanciers. Son vœu se voit exaucé lorsque, après avoir crevé, il parvient à dissimuler sa voiture dans une petite allée désertique de Sunset Blvd. Un sauvetage miraculeux en quelque sorte ou un simple pacte passé malgré lui avec le diable ?... Lorsque Gloria Swanson l'invite dans cette demeure qui a connu des jours meilleurs pour entreprendre l'écriture d'un scénario à partir d'un récit foutraque qu'elle a elle-même écrit, il fleure la bonne affaire... Ses propres affaires lui sont ramenées dès le lendemain dans la chambre qu'il occupe sans qu'il ait demandé quoi que ce soit : il n'ose réellement se révolter, la bestiole-scénariste est piégée... Il a bien du mal par la suite à refuser les cadeaux que Gloria lui fait, passe  le Nouvel an le plus pathétique de sa vie à danser joue contre joue avec elle au milieu des non-invités, tente de s'échapper mais se fait de nouveau rattraper quand la star fait une tentative de suicide : la Gloria est un véritable vampire qui tente de lui sucer son sang d'encre, on ne donne plus cher de lui...

sunset boulevardPDVD_017

Et pourtant Holden aura un sursaut en tentant de retrouver chaque nuit la chtite Nancy Olson qui le pousse à écrire un scénar (le 2046 de Wong Kar Wai ne serait-il point finalement que des réminiscences wilderiennes ?...). Cette histoire est également superbement bien vue avec Holden et Olson qui "jouent" aux amoureux transis en se donnant la réplique de façon caricaturale le soir du Nouvel an, qui prennent plaisir à se perdre et à flirter dans les décors en trompe l’œil des studios de la Paramount et lorsqu'ils finissent par s'avouer leur amour... un clap de fin brutal va finir par interrompre leur idylle ; Hollywood, such stuff as dreams are made on, attention au réveil.

sunset boulevardPDVD_005

Le film est peuplé d'ombres du passé (magnifique Eric von Stroheim plus hiératique qu'un candélabre qui joue les "intermédiaires" auprès de Gloria pour tenter de rallumer sa flamme, Buster Keaton himself, Cecil B. De Mille lancé dans un tournage qui semble daté de Mathusalem...), d'images de cette Gloria (des millions de photos dont elle s'entoure chez elle à son visage projeté sur l'écran lors de la vision de ses films) qui part à la recherche d'une vaine gloire définitivement perdue et l'on sent dès le départ que le "film de sa vie", dont ce scénariste nous parle, va mal tourner... Merci à Wilder, Wilder et Wilder disait Hazanavicius lors de la remise de son Oscar et je serais tenté d'ajouter "sans oublier Wilder".   (Shang - 18/03/12)

sunset boulevardPDVD_012


ob_baad17_boulevard-du-crepuscule

- Je vous reconnais, vous étiez une grande.
-
Je SUIS une grande, ce sont les films qui sont devenus petits.

Non mais quelle beauté, franchement. Wilder réalise là un film miraculeux, aussi profond dans son thème et dans la façon de le traiter que dans sa mise en scène prodigieuse. Il n'est pas le premier à dresser un portrait au vitriol de Hollywood, cette hydre qui bouffe ses stars dès qu'elles ont dépassé les 30 ans, il ne sera pas non plus le dernier ; mais son film reste définitivement le plus cruel, le plus triste, le plus désabusé et le plus juste sur cet univers impitoyable, sur le star-system, sur la folie qui peut gagner les vedettes quand elles ne plaisent plus à personne.... son plus grand talent étant que tout en tirant à boulets rouges sur cette industrie cinématographique monstrueuse, il parvient tout de même à lui écrire cette déclaration d'amour vibrante : le film regarde sa pathétique star du muet de façon sarcastique et tendre à la fois : cette femme est ridicule, oui, avec ses caprices de diva et ses grands airs alors que tout autour d'elle n'est plus que décrépitude ; mais elle est aussi bouleversante dans son déni, dans sa volonté coûte que coûte d'en faire encore partie (du milieu, du star-system, des jeunes, des femmes qui plaisent). Le personnage est magnifique, et Wilder en fait une des figures les plus fortes de son cinéma : le jeu outré de Swanson, sa complète honnêteté vis-à-vis d'elle-même (que d'abnégation, diable, que de masochisme dans ce personnage devenu laid et dépassé), le mélange d'humour et de sincérité qu'elle y met, portent sa Norma Desmond au top des "créatures filmiques", n'existant que pour et par le cinéma, que pour et par le regard des spectateurs. La frêle silhouette de la dame dans le projecteur, la poursuite lumineuse qui tombe sur elle et l'anime tout à coup, sa descente d'escalier, seul être mouvant au milieu de personnages figés, son ultime gros plan qui s'efface sur le "The end", et même sa maison qui semble devenue comme elle, vide, tombant en ruine mais conservant encore quelques éclats de luxe démodé : tout concourt à en faire un être mythique, pas vraiment réel, un être de celluloïd.

disque-boulevard-du-crepuscule74

Face à elle, les autres personnages sont tout aussi fascinants. Beaucoup aimé ce Joe Gillis (Holden), véritable petit prostitué au système, tourmenté par sa complaisance mais ne pouvant pas en sortir, lui aussi assez symbolique d'une certaine part d'Hollywood, corrompue, achetée, sans morale ; beaucoup aimé cette petite Betty (Nancy Olson), seul être un peu positif du film (mais pour combien de temps ?), et la seule qui pourrait transformer ce monde vérolé et Joe de sa turpitude : elle s'y cassera les dents, et devra ramasser sa naïveté à la petite cuillère ; et bien sûr, beaucoup aimé ce majordome, surtout interprété par Erich von Stroheim, dont on apprend peu à peu la biographie et qui aura droit à un des plans les plus bouleversants du film (il dirige in fine son ex-femme, sa star, dans un dernier plan : Von Stroheim qui dit "Action" à Swanson, je vous jure qu'on frémit) ; et puis beaucoup aimé aussi tout cet univers formidablement reconstitué, mélange de magie et de gabegie, qui donne une image du monde du cinéma qui me semble très authentique malgré la charge au vitriol. Il y a également, pendant toute la première moitié du film, une atmosphère assez proche d'un film d'épouvante classique, avec cette maison mystérieuse peuplée de fantômes, avec ce mort qui parle, avec cette musique angoissante qui monte peu à peu (j'épouse Franz Waxman quand il veut pour son orchestration sublime), avec même le cadavre d'un chimpanzé qui va servir de "monnaie d'échange" affectif avec Holden. On ne saurait faire le tour en quelques lignes de ce film prodigieux, arrêtons-nous là, et hurlons simplement derechef : Wilder est un génie.   (Gols - 28/09/21)

s,725-af3f10

Commentaires
S
Si on décide d'expédier dans l'espace une capsule contenant un seul film parlant, ce sera celui-là.
Répondre
V
Film prodigieux ! L'ironie de Wilder se traduit par des trouvailles formidables. Ainsi voit-on, dans une scène nocturne, le scénariste en quête de succès allumer avec un commutateur les projecteurs immergés de la piscine, qui se trouve ainsi éclairée comme un plateau de tournage. C'est dans cette zone bien délimitée de lumière frémissante que va s'accomplir son destin. De plus, c'est à la surface de cette piscine-plateau qu'au petit matin, il sera photographié, flashes à l'appui, de nombreuses fois. Une manière comme une autre de connaître enfin la célébrité.
Répondre
O
J'ai vu ce film, à Deauville, vers 77 ou 78, quand le Festival était bon enfant, qu'il suffisait d'acheter un pass pour voir King Vidor et Travolta en conf de presse, ça se mélangeait joyeux. <br /> <br /> C'était la 3eme édition, dans la petite salle du Morny, à 10h du matin, ce jour-là j'avais Gloria Herself sur le rang juste derrière, et elle se gênait pas pour causer et donner son avis tout haut.<br /> <br /> Nan, me suis pas retourné() pour la faire taire...! <br /> <br /> Le lendemain, même chose, même salle, avec Sadie Thompson de Walsh.<br /> <br /> Sigh...
Répondre
C
Le chef d'oeuvre ultime. C'est tout.
Répondre
Derniers commentaires