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9 mars 2012

Le Dossier 51 de Michel Deville - 1978

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Voilà un film qui a dû marquer des points à sa sortie, tant les partis pris de mise en scène sont audacieux. Le challenge de Deville : adapter un roman d'espionnage constitué uniquement de fiches de rapports, froides et objectives. Il s'agit en effet d'une enquête des services secrets sur un diplomate, ordonnée afin de savoir si celui-ci pourrait servir la cause de l'Etat en devenant espion. Toutes les fiches servent donc à dresser le portrait de cet homme, professionnellement d'abord, mais très vite intimement aussi, puisqu'on va interroger les copains de régiment, la maman, et les maîtresses du gars. Deville choisit une technique qui va presque à l'encontre de la mise à plat du récit : la caméra subjective, qui sert dans de très nombreuses scènes du film. Challenge hasardeux et qui marche très bien : l'enquêteur est occulté, ce qui augmente son côté "anonyme", distancé, et la victime est directement en rapport avec la caméra, ce qui permet d'ouvrir le sens du film au pouvoir du cinéma comparé à ceux de l'espionnage : cinéaste et enquêteur sont dans le même bateau, assimilés à des voyeurs sans scrupules qui viennent piller la vie privée de notre pauvre "51" (nom de code du fameux diplomate).

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La forme du film est donc étonnante, puisqu'on est sans cesse comme impliqués dans l'histoire du fait que les comédiens regardent directement la caméra. Techniquement, c'est pas toujours très réussi, puisque les acteurs sont parfois mal à l'aise avec cette contrainte : le fait qu'ils ne parlent pas à un vrai partenaire, voire que la voix de l'espion soit parfois post-synchronisée, les fait jouer faux la plupart du temps (sauf pour Planchon, qui est vraiment très bien). Mais ça permet aussi de joyeux essais dans l'exercice de style, comme cette caméra qui quitte subitement le sujet principal pour aller mater un couple qui se drague sur un banc, caméra subjective poussée à l'extrême. J'ai bien aimé aussi ces plans-séquences complexes, pleins de mises au point et de focales qui changent en cours de route, ça a dû être coton à réaliser.

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Le scénario n'est pas en reste, il est passionnant. On dirait même parfois du Sophie Calle, dans cette façon d'aller traquer un anonyme pour parvenir à en extraire la vérité. Ce qui est beau, c'est que 51 est un homme banal, qui n'a strictement rien à se reprocher, un homme ordinaire ; mais on arrive à faire une enquête très poussée sur lui, jusqu'à faire dire aux documents creux qu'on en tire des vérités incontestables. 51 est un rat de laboratoire passé au crible du regard des espions-cinéastes (belle variété de techniques, de la photo de paparazzi au documentaire, de la conférence scientifique à l'érotisme chic), qui finira crucifié par eux, avant qu'on passe à un autre cobaye. Le film est glacial, assez terrassant, mais jamais ennuyeux, assez proche finalement de la science-fiction autant que du film d'espionnage, qui fait penser à Rosi autant qu'à Bradbury. Une réussite, qui a pris un coup de vieux esthétiquement, mais qui garde pas mal de force et d'intérêt. 

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