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15 février 2012

Guérilla française de Pierre Carles et George Minangoy - 2011

19553926_jpeg_preview_mediumL'assassin revenant toujours sur les lieux de son crime, voici Pierre Carles qui retravaille son film Ni Vieux ni Traîtres consacré à la lutte des membres d'Action directe dans les années 80. Nouveau montage, nouvelles images, débat plus large. Le sujet n'est pas lisse, c'est le moins qu'on puisse dire, puisque, à travers les portraits de ces anars aujourd'hui vieillissants, le film pose la question de la légitimité de la violence dans la lutte révolutionnaire, allant jusqu'à interroger la justification de l'assassinat de Georges Besse, patron de Renault, en 1986. Carles se tient prudemment en retrait de son propre film, laissant les différents protagonistes s'exprimer dans la longueur, et il fait bien : écouter les souvenirs de ces radicaux, qui racontent en rigolant les braquages de banque et autres actes dans le genre, suffit largement à déclencher les questions, sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter. C'est la grande qualité du film : montrer, écouter, et nous laisser le soin de réagir à ce qu'on entend. Sur un sujet aussi brûlant, on apprécie ce maniement de pincettes.

1Sans vouloir prendre le parti de l'un ou l'autre camp (celui des victimes, celui des terroristes), force est de reconnaître que l'absence de concessions totale de la part des gusses de l'époque force le respect. Les témoignages ont beau parfois frôler la rigolade pure, on sent l'intransigence qui a habité et habite encore ces combattants, tout aussi indignés aujourd'hui qu'à l'époque par le système capitaliste, le patronnat sans pitié et les injustices en tous genres. Le témoignage du "cerveau du groupe", Jean-Marc Rouillan, en prison jusqu'à la fin de sa vie, est extraordinaire de tension : il ne se renie jamais, reste un pur et dur, alors que ses conditions de détention frôlent le délire (9 ans enfermé seul sans voir personne, diable). Sa voie d'outre-tombe fait vraiment froid dans le dos, et sa fidélité à ses idées de jeunesse ne peut que déclencher une certaine admiration. Il est d'ailleurs beaucoup question de jeunesse et de sincérité tout au long de ce doc : les compères qu'on voit à l'écran, qui passent tantôt pour de gentils potaches, tantôt pour des anarchistes assez effrayants, évoquent le passé avec nostalgie, racontent leur conviction avec bonhommie ; mais quand l'interview pousse un peu plus profond, le film est vraiment politique, humain, assez vaste. On écoute ces discours politiques avec fascination, et on constate en même temps le vieillissement des corps, qui évoque une certaine perte des idéaux, un certain assagissement 19554056_jpeg_preview_mediumde la société toute entière (la très belle interview de cette ancienne d'Action Directe mise en face de ses actes, et qui est entre conviction et larmes). C'est vrai que Carles ne donne pas la parole aux victimes, comme le fait remarquer un spectateur du film (Carles inclue les réactions à la projection dans le film lui-même), et que du coup Guérilla Française apparaît presque comme une adhésion hagiographique aux actes d'Action directe. Mais après tout, attendre de Carles de l'objectivité serait passer à côté de son cinéma. Ce qui importe, c'est de voir ainsi un groupe de révoltés maintenir leur colère à travers temps, et affirmer haut et fort leurs convictions (et leurs actes excessifs) de jeunesse. C'est forcément discutable, mais c'est aussi touchant, effrayant, glaçant, culpabilisant, révoltant et captivant. Oui, j'ai aimé, donc...

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