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8 février 2012

LIVRE : Lettres à Maurice Nadeau d'Henry Miller - 1947-1978

lettresLes bouquins de Miller sortis ces derniers temps sentaient les fonds de tiroir ; ce n'est vraiment pas le cas avec ces lettres à Nadeau qui nous rappellent brusquement à quel point Henry Miller est le plus grand écrivain de tous les temps (avec Henri-Pierre Roché, ça va, Shang, t'emballe pas). Rien d'extraordinaire dans ces quelques 400 pages de correspondance clairsemée et irrégulière, rien qui touche à la Grrrande Littératûûûre ; mais pourtant il s'en dégage quelque chose qui n'appartient qu'à Miller, une énergie, une soif de vie, un humour, un débordement de vitalité, qui font plaisir à lire. La plupart de ces lettres est relativement factuelle : Nadeau a aidé Miller au début en le défendant contre les censeurs, et du coup Miller ne cesse de lui demander de petits services : et veuillez expédier mes aquarelles à tel endroit, et si vous pouvez lire ce manuscrit de mon pote, et si vous publiiez mes œuvres complètes, ce genre de choses. Mais même dans ces missives "utiles", il y a toujours ce petit ton plein de joie, cet enthousiasme pour tout ce qui constitue la vie, gens, livres et femmes, il y a cette voix rocailleuse qu'on semble entendre derrière chaque mot. Miller fait l'effort d'écrire souvent en français, et c'est le moment de constater qu'il est très bon là-dedans, parvenant à garder son naturel même dans une autre langue.

Et puis, il y a subitement ces emballements de style, quand il se rend compte qu'il est un peu ingrat avec Nadeau, ou quand celui-ci lui envoie son bouquin sur Flaubert, ou juste quand il se laisse aller à son célèbre débit. Il y a quelques-unes des plus belles lettres de Miller dans ce recueil, tout simplement, que ce soit sa déclaration d'amour à Cendrars, sa colère contre la guerre, ses sorties contre la censure, ou ses souvenirs parisiens qu'il évoque une énième fois avec toujours le même ton neuf. Ces longues lettres, qui tranchent avec la concision de certaines autres, sont des merveilles de style "libre" : on sent que la gars écrit au fil de la plume, sans souci de construction, et c'est bien là qu'on l'aime. Rappelons qu'il a écrit Sexus sur ce modèle-là, et que c'est le livre du siècle (et de tous ceux à venir). Voilà bien longtemps qu'on n'avait pas goûté à la fulgurance de cette écriture millerienne, ça fait plus que du bien quand, comme moi, on en est réduit à relire jusqu'à la corde les classiques du maître. Ajoutons qu'il y a en fin de volume une pléthore d'annexes vraiment précieuses (articles, témoignages d'amis, préfaces inédites), et dans lesquelles on entrevoit aussi le style de Nadeau lui-même, pas dégueulasse dans son sens de la formule, et dans son maniement acéré des mots (sa préface est également très jolie). Bref, ces lettres sont un passage obligé si on aime Miller. Et si on aime pas Miller, vraiment, je vois pas ce qu'on a à se dire.

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