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2 février 2012

La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre (The Private Lives of Elizabeth and Essex) de Michael Curtiz - 1939

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On est dans la couleur qui pète, la trompette qui tonitrue et le costume qui sied avec cette fresque intime consacrée aux amours contrariées entre Elisabeth d'Angleterre et le comte d'Essex. Contrariées parce que placées sous le signe de l'ambition, de la lutte des classes et de la fierté des protagonistes : Essex aime Elisabeth, mais il aime aussi le pouvoir et la gloriole ; Elisabeth aime Essex, mais elle aime aussi elle-même et son trône douillet. Aïe aïe aïe, les amours finissent mal en général, surtout dans les immenses salles des palais royaux entourées d'antichambres pleines de félons qui félonnent ; je ne vous cache pas qu'Essex tâtera de la hache avant l'aube, et qu'Elisabeth s'en écroulera de remords, c'est ça, l'amour. Mais ces amours contrariées pourraient bien être contrariées aussi par l'étrange casting mitonné par Curtiz : d'un côté, Erroll Flynn, acteur habitué à l'action, peu intellectuel, pas forcément brillant dans les scènes dialoguées ; de l'autre, la cérébrale Bette Davis, physique à l'arrache, construction de personnage élaboré et finesse en bandoulière. Ces deux-là sont destinés à s'aimer, et on sent dès le départ que ça va être le gros souci du film : le couple est crédible comme le mien avec Claude Guéant (no way). Gros handicap qui gâche toutes les (nombreuses) scènes entre eux : Flynn qui embrasse Davis, on n'y croit pas, surtout quand dans l'antichambre citée plus haut rôde une Olivia de Haviland hyper-sexuée et qui se pâme devant l'Erroll. D'accord, l'amour est aveugle, d'accord, il aime autant le statut de la reine que la reine elle-même, mais tout de même...

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C'est bien dommage, car chacun d'eux, pris en lui-même, est très bon, et on admire pour une fois la direction d'acteurs impeccable de Curtiz. Flynn est très physique malgré l'absence totale de scènes d'action (choix étrange mais relativement payant au final, qui met en valeur par exemple, la belle séquence de guerre en Irlande, théâtrale, prise dans la brume artificielle, presque irréelle), et joue cette fois avec son visage encore plus qu'avec son corps ; notons aussi que le collant pourpre et la jupette lui vont, ce qui constitue une qualité indéniable. Davis est vraiment géniale, alors qu'ils lui ont fait une tronche, mon vieux, faut voir ça : on dirait une poupée de Tim Burton mâchouillée. C'est une autre école, mais elle est vraiment tout en présence elle aussi, jouant des rythmes avec génie, bougeant la moindre parcelle de son corps et de son visage avec une grande vérité ; elle est laide comme un pou, belle comme tout, et Curtiz lui confère un visage tragique (le dernier plan !) qui vaut vraiment des points. Citons aussi, dans le rôle du félon adipeux, l'immense Vincent Price, le plus immonde cafard que j'ai vu depuis Claude Rains ou Basil Rathbone (ou Claude Guéant) : il utilise son corps de vermisseau pour s'insinuer comme un serpent le long des marches du palais, toujours de profil comme s'il surveillait tout, arrrf, quelle horreur. Casting impressionnant, donc, complété par quelques saillies de mise en scène très bienvenues : le jeu d'ombres sur une reine solitaire s'écroulant sur son trône comme une marionnette, la scène d'ouverture pour nous présenter Bette Davis... et qui l'occulte derrière un paravent, ou la grande idée de cet escalier caché au beau milieu de la salle royale, et qui mène directement aux cachots : salle bleue, escalier orange, Flynn condamné à mort qui en surgit pour dire adieu à la femme qui l'a condamnée, ça c'est du romantisme mes p'tits gars, ça c'est de l'Eros qui s'acoquine avec du Thanatos, ça c'est du Eurydice comme on aime. Voilà, satisfait, au final, par ce film un peu à part dans l’œuvre de Curtiz (pas d'action, une fin tragique) qui donne l'occasion de voir ce qu'est une vraie erreur de casting.

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