LIVRE : Les Merveilles de Claire Castillon - 2012

La donzelle sur la photo intérieure est toute mimi, et vue la couverture (un joli petit chien triste), on s'attend à une bluette de jeune fille en fleur. Que nenni : dès les premières lignes, la bougresse vous empoigne par ce qu'il faut bien appeler les coucougnettes et ne vous les lâchera jamais plus au cours de ce texte âpre, cru, violent, en guerre contre le monde et nihiliste en diable. Il y a même du Virginie Despentes chez cet auteur, qui sait comme son aînée flirter avec la violence la plus dure et une certaine forme d'humour trash qui marque des points. Castillon a un sens indéniable du rythme de ses phrases, ainsi que celui de la formule qui fait mouche : en gros, l'écriture est vraiment éblouissante, non seulement juste dans sa description des sentiments, mais brillante dans sa musique et dans ce qu'elle parvient à faire (vous emmener jusqu'au dégoût pour terminer sur un éclat de rire en quelques mots). L'histoire : une femme parle de sa vie, depuis l'évènement traumatique de son enfance (son père torture son chien Lulu, dans une scène franchement à la limite du supportable) jusqu'aux "conséquences" finales de cette douleur une fois adulte (ça se termine mal, je n'en dirai pas plus). Entre ces deux pôles, la jeune fille aura réussi à frapper sa mère à coups de marteau, à se faire dépuceler à 13 ans, à devenir prostituée en cachette de son mari, et à enterrer ce père maudit. Toute une existence misérable racontée en 250 pages tendues comme un slip, qui mèle le plus sordide (Castillon aime s'apesantir sur les différentes maladies ou tares qui peuvent envahir les corps) au plus trivial. Le style extraordinairement rock'n roll sert très bien le dessein, qui est de simplement dresser le portrait d'une femme perdue, un peu tordue mais un peu normale aussi, trashy mais touchante par bien des aspects ; une femme d'aujourd'hui, quoi, dont le destin va se sceller en page "faits divers" des magazines. Certaines expressions forcent le respect par leur couleur, leur originalité, leur drôlerie ("C'est un couple gâté par la vie, avec logement, véhicule, un couple à qui il manque qu'un oursin pour se gratter...", ou encore : "Les hommes, ça va être un gros aspect de ma question. Ce sera le balcon, je poserai les pieds dessus et des fois ça tiendra, des fois pas.") Castillon est de toute façon toujours au plus près de l'os, ça fait mal comme tout, et ça fait énormément de bien. Vrai grand livre, contre toute attente.