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10 janvier 2012

LIVRE : Belle Famille d'Arthur Dreyfus - 2012

001088775Un premier livre inégal, un deuxième affreux : il fallait bien un jour que Dreyfus finisse par nous pondre un bouquin intéressant. C'est en partie le cas avec ce Belle Famille qui, s'il tombe souvent dans les travers désormais habituels de l'auteur (trop d'ambition, trame qui se relâche aux deux tiers, postures agaçantes de donneur de leçons...), parvient à être parfois assez juste. On pourrait presque penser, sur les 100 premières pages, que l'auteur a enfin rangé ses agaçantes ficelles au placard pour se concentrer un peu sur l'essentiel : relater avec sincérité des relations humaines complexes. Il s'intéresse à un fait divers assez sordide, celui de la soi-disant disparition d'un enfant, en fait victime d'un accident domestique dissimulé par sa mère rongée de culpabilité. Dans le début du livre, tout ce qui concerne la description clinique de cette famille ordinaire est vraiment bien troussé, amer, caustique, violent, drôle. Le ton est trouvé, celui d'une chronique de la moyenne bourgeoisie à la Chabrol, sur fond de désamour maternel, de lassitude existentielle et de crise de couple bien banale. Dreyfus charge à peine la mule, nous enfermant dans un univers domestique étouffant et bien rendu, avec comme motif central cet enfant mal-aimé, secret, à la fois très familier et très étranger à nous. Par une pirouette à la Psycho, l'auteur réussit ensuite le tour de force de faire mourir en un seul paragraphe son personnage principal, lors des meilleures pages du roman : la relation sèche de l'accident est parfaitement écrite. Encore une fois, comme pour La Synthèse du Camphre, on dirait que Dreyfus est bien meilleur dans les scènes casse-gueule (la Shoah jadis, la mort d'un enfant aujourd'hui) que dans les scènes a priori plus "faciles". AU bout de 100 pages, donc, on est très satisfait par la rigueur de l'écriture, le sens de la narration, et la justesse du portrait.

Ensuite, malheureusement, ça se gâte de plus en plus. Dès lors que Dreyfus se pique de raconter plus que cette histoire pourtant déjà effrayante de mort d'enfant dissimulée par sa mère, il s'enfonce progressivement dans un grand n'importe quoi narratif qui finit par ressembler à du Lelouch : les morts s'accumulent sans aucune vraisemblance, les personnages secondaires passent subitement au premier plan sans raison et sans passion, on fait dans la surenchère en faisant entrer là-dedans une critique politique à gros sabots (un ministre de l'Intérieur aux dents longues), une trame amoureuse à peine esquissée, une psychologie de Prisunic et tout un jeu vain sur le hasard (le thème préféré de Dreyfus, avec l'homosexualité, qu'il tente de nous fourguer dans tous ses livres quel que soit leur sujet). Il a eu beau nous prévenir dans sa préface, en arguant que son roman ne fait que s'inspirer des faits réels, qu'il vaut mieux être, en littérature, vraisemblable que vrai, ce genre de trucs : on n'y croit plus du tout, les personnages et les situations deviennent schématiques et artificiels, on lâche le bazar et on se retrouve à 10000 kilomètres de ce que promettait le roman dans sa première partie : on aurait voulu que Dreyfus tourne autour de ce danger trouble (une mère n'aime pas son enfant et est presque soulagée de le voir mourir) ; il se perd dans le roman à événements bas-de-gamme. Dommage, parce que l'écriture est souvent bien balancée. Le prochain sera le bon ?

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