Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
9 janvier 2012

Hugo Cabret (Hugo) de Martin Scorsese - 2011

Scorsese est plus d'une fois tombé dans l'académisme ; le voilà ici en plein dedans. Hugo a certes bien des côtés émouvants, on y rencontre certes bien des marques du savoir-faire de son auteur ; mais il est aussi tellement convenu et sucré que la sentiment principal à la sortie de ce gros gâteau est l'ennui, une légère nausée d'après-banquet, et une nostalgie qui devient de plus en plus forte du cinéma scorsesien d'antan.

hugo-cabret-2011-14752-1843518230

On reconnaît bien sûr toute la patte autobiographique que Scorsese a mis dans cette histoire, et c'est vrai que cette grande intimité au sein du spectacle remporte souvent l'adhésion : le film raconte la découverte de l'émerveillement chez un jeune homme, émerveillement dû à la vision du cinéma des origines, celui de Méliès. Hugo est un orphelin à la Dickens, dont le boulot d'horloger consiste à "réparer des choses", à transformer les mille petits rouages en magie. Tout tourne autour d'un automate déniché par son père, cassé mais qu'il va falloir faire renaître pour en retrouver l'essence magique (le pantin, une fois réanimé, ouvrira les portes du cinéma de Méliès). Recherche du père, nostalgie d'un monde perdu (de l'enfance, du ciné d'antan), thématiques éternelles du père Martin, qui nous livre ici un scénario sur-scorsesien, pour une fois heureusement débarrassé de ses obsessions catholiques (quoique les considérations réactionnaires sur la beauté de la famille sentent un peu le cureton décongelé). Un autoportrait assez touchant finalement, qui prend des airs de film pour enfant, pour mieux murmurer une sorte de douleur sourde qui pointait déjà dans de nombreux films du maître. Le personnage de Méliès (campé par un Ben Kingsley abattu et dur) est une figure viable du Paternel scorsesien, entre Dieu vengeur (le carnet en cendres qu'il rend à Hugo) et ange créateur (il invente le Monde avec son cinéma), entre vrai père concret et modèle artistique.

hugo_cabret_c_0

L'utilisation de la 3D (c'était ma première expérience de la chose, je suis scié) est elle aussi pour une fois parfaitement justifié. Scorsese essaye de nous faire retrouver l'émerveillement des premiers spectateurs face au train des frères Lumière ou à la lune de Méliès : la 3D sert ce dessein à merveille, notamment dans les plans où on revoit les films de Méliès, mais en relief : on devine le potentiel encore à peine exploité de ce système en revoyant ces vielles images rendues complètement magiques (tout comme on est franchement bouleversé de voir des images documentaires de la première guerre en 3D : l'impression de découvrir un monde). Le système permet à Scorsese de nous montrer la beauté des premiers trucages, l'artisanat du cinéma des origines, la poésie de Méliès, tout en se rangeant lui-même dans la catégorie des prestidigitateurs avec sa façon originale de concevoir la 3D. Très jolis flashs-back où on découvre comment Méliès tournait ses films, et belle tentative d'hommage (malheureusement ratée dans son accomplissement) dans cette scène tonitruante de déraillement d'un train en gare de La Ciotat (ou d'ailleurs).

hugo_cabret_scorsese_950x633

Bon. Une fois ces belles qualités énoncées, il faut bien se résoudre à reconnaître que Scorsese aurait dû également se pencher sur sa trame autant que sur ses détails et ses audaces techniques. Parce que tout ça est maintenu par des ficelles qui confinent aux câbles, habillé dans un académisme poussiéreux, recouvert d'un nappage d'une artificialité gavante, et interprété par des sous-acteurs. Oui, tout ça. Dès les 17 premières secondes, on devine absolument tout ce qui va se passer dans les deux heures à venir : m'en fous je balance, ça va se terminer bien, l'automate va remarcher, Méliès va être réhabilité et le méchant gendarme n'emmènera pas Hugo en orphelinat. Il pourrait même y avoir une reconstitution familiale à la clé, mais je n'en dirai pas plus. Tout ça est vu, revu, digéré et recraché depuis Dickens, d'où ce sentiment de marcher dans des chemins déjà usés jusqu'à la corde (y compris souvent esthétiquement, avec ces couleurs ocres et ors pour les intérieurs, bleus pour les nuits, avec cette gare reconstituée à la Amélie Poulain, avec ces personnages secondaires cucul à souhait). La musique elle-même sent le rayon surgelé, tout comme les insipides dialogues qui feraient passer la comtesse de Ségur pour une néo-punk avinée. Le héros et surtout sa petite amie sont des têtes-à-claques insupportables (on rêve que Hugo se crashe une bonne fois depuis son poste d'observation, et soit en plus broyé par un train dans des souffrances atroces), ce qui fait de Hugo le premier film de Scorsese mal joué... Quelle idée, par exemple, d'avoir engagé Sacha Baron Cohen, le génial cabotin par excellence, pour le diriger ainsi en sous-jeu ? Il est complètement perdu, ne sait pas poser ses regards, et ça fait de la peine de le voir ainsi maltraité par Scorsese. Par ailleurs, on sait le gars Martin peu à l'aise avec les scènes d'action d'habitude ; c'est peu de le dire ici : les scènes de poursuite dans la gare sont d'une lenteur exaspérante, pas drôles, jamais tendues. Quand on pense au récent Tintin de son collègue Spielberg, on se dit que Scorsese a dû rater une marche quelque part. Le film est poussif, péniblement long, rempli de scènes inutiles et fades. Comme en plus la technique le bouffe pas mal, on a souvent l'impression d'être dans un monde d'écrans verts, superficiel et entièrement fabriqué, avec de la neige faite en programmation de pixels plutôt qu'en eau. Méliès (ou Capra, auquel le film semble aussi rendre un hommage énamouré), au moins, lui, mettait de la chair dans ses films ; elle manque cruellement à Scorsese, qui s'enferme dans sa tour d'ivoire avec ses vieux jouets poussiéreux plutôt que de s'adresser à nous. Poétique parfois, touchant parce que "malade", mais raté en grande partie.

hugo_cabret_martin_scorsese

Commentaires
Derniers commentaires