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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
8 décembre 2011

La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli - 2011

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On pense aller voir une chronique douce-amère dans le meilleur des cas, un autoportrait nombriliste dans le pire, en tout cas une petite chose sympathique mais sans grande ampleur à la manière de La Reine des Pommes ; on ressort avec la conviction d'avoir assisté à un des films les plus forts de l'année, en tout cas un de ceux qui mettent la mise en scène à sa plus haute place, un de ceux à l'ambition la plus prononcée. A travers une histoire qui a priori ne concerne qu'elle (son enfant de deux ans est atteint d'une tumeur au cerveau, d'où toute la description des protocoles hospitaliers, espoirs, renoncements, difficultés, petites joies et autres qui s'attachent à la très lente guérison du môme), Donzelli réalise à peu près l'opposé du film replié sur soi-même : une fresque dédiée à la lutte et à l'amour. Et pour ce faire, elle use non pas tant des astuces trop faciles du scénario (le mélodrame marche toujours, et elle aurait pu s'y complaire sans chercher autre part l'émotion) que de choix de mise en scène risqués et plus que payants : le combat de ce couple contre la maladie de l'enfant se résume à une lutte entre le mouvement et l'immobilité, l'énergie et la lenteur. Toute la mise en scène est mise ainsi au service de deux univers qui s'affrontent : le couple, toujours en marche, en course, en mouvements désordonnés, même si ces mouvements sont absurdes, vains, sans logique ; et le reste du monde, qui oppose à leur énergie le calme, l'immobilité (batterie de médecins aux gestes mesurés, familles engoncées dans des habitudes pépères, etc.). Le film baigne ainsi dans une énergie sidérante, on ne compte plus les plans, tous parfaits, où ce petit couple est mû par le mouvement : du footing considéré comme un remède contre le cancer et le malheur. Dès le premier plan (les pas précipités de la mère dans un couloir d'hôpital) jusqu'au dernier (l'enfant qui se met enfin au diapason des pas de ses parents, lui qui ne savait pas marcher comme s'il s'agissait de la plus grande calamité possible, et ce magnifique ralenti qui suspend enfin l'hystérie sans but de la course du couple), la réalisation impeccable de Donzelli n'est qu'histoire de travellings, de caméras à l'épaule qui tente de se mettre au même rythme que ses acteurs, d'éclairs de gestes qui viennent trouer la tranquillité de ces hôpitaux, de musiques balancées en vrac qui sont comme autant d'actes de révoltes contre le malheur. Le film porte bien son titre : il faut s'opposer à la cruauté de l’existence, entrer en guerre contre elle, et ce couple le fait avec une flamboyance entièrement induite par la mise en scène.

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La musique, il faut y revenir, car elle a rarement été aussi bien employée que dans ce film. Là aussi, elle sert le motif principal de la chose : l'énergie, le rythme. Quelques scènes musicales sont d'une beauté extraordinaire : Donzelli qui court comme une dératée dans les couloirs de l'hosto, comme portée par la musique, parce que son fils est en train d'être opéré ; la petite chanson d'Higelin (bénie sois-tu, Valérie, de remettre à l'honneur notre Jacquot) qui vient révéler le seul moment de faiblesse du père lors d'une soirée trop arrosée ; celle de Jacno (bénie sois-tu etc.) qui clôt le film comme un retour après les tourments à l'énergie punk-douce de l'univers "habituel" de Donzelli ; ces morceaux de Vivaldi envisagés de la seule façon possible : celle de l'émotion pure. Car la musique est employée par son côté direct, purement sentimental, raccrochant le film à un univers de comédie musical enfantin, naïf, léger, alors que le sujet est si lourd (et je ne parle pas de la séquence pour le coup très ratée qui est purement issue de la comédie musicale : celle où les deux acteurs chantent une vague chansonnette moche pour exprimer leurs tourments). Du coup, l'émotion ressentie est bien la même que pour celle des comédies musicales : on aime ce film sans barrière, pour son côté direct, et surtout pour ce qu'il rappelle en nous d'enfance et de foi un peu bête en la vie. D'où aussi les nombreux clins d’œil aux films de Truffaut, depuis les scènes lumineuses de la rencontre du couple au début jusqu'à cette voix off distancée, depuis le jeu clownesque et artificiel de certains acteurs jusqu'à cette façon de désamorcer le drame par des petits détails anecdotiques de la vie courante : comme Truffaut, Donzelli aime l'enfance, celle de l'art et celle tout court, et sait très joliment utiliser cette référence pour ancrer son film dans une atmosphère à la fois démodée et moderne. Alors franchement, tant pis si les défauts ne manquent pas : des acteurs pas très bons (Jérémie Elkaïm, ouille), quelques scènes en trop, un petit manque encore d'indépendance vis-à-vis de ses aînés en cinéma : moi, je dis que quand on quitte un film en laissant son fauteuil baignant dans un océan de larmes (je suis sensible en ce moment, cherchez pas), on peut considérer que quelque chose de juste a été trouvé. Emballé complètement par ce bijou d'intelligence, d'émotion, réalisé par une enfant amateur, plein de bruit et de fureur et de pudeur, le film français le plus rock depuis Leos Carax (comment ça, je m'emballe ?). (Gols 10/10/11)

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Ah ben ouais, je ne gardais qu’un vague souvenir de l'article de mon gars Gols ainsi que du thème du film et c'est de façon plutôt guillerette qu'hier après-midi après une soirée, la veille, un peu trop arrosée que je m'installais dans mon sofa. Quatre-vingt dix minutes plus tard, c'est un fleuve qu'il y avait autour de mon canap comme si j'avais pleuré tout mon whisky (ah ouais, ça vaut un marathon au niveau de l'élimination des fluides...). Enfoirés de Donzelli et d'Elkaïm (que j'ai d'ailleurs trouvés excellents mais on est rarement d'accord au niveau des acteurs avec mon comparse) qui m'ont cueilli totalement à froid : je ne m'attendais pas à un tel film coup de poing émotionnellement parlant, c'est clair... C'est en effet, comme le souligne longuement le Gols, un véritable marathon contre le cancer dans lequel se lance nos deux personnages principaux, un combat physique et émotionnel qui prend aux tripes quasiment tout du long. Oui, c'est un sujet mélodramatique en diable (un gamin de deux ans qui a une tumeur, c'est po vraiment le truc qui donne envie de jouer de la flûte), éminemment lacrymale potentiellement parlant (ami Bast*en - tout jeune pater - même si tu es à la recherche de film français, je me refuse de te le filer - même sous la torture), mais que Donzelli et Elkaïm parviennent à traiter avec un tact éblouissant en mettant en scène des personnages qui essaient toujours de ne pas baisser les bras, d'aller de l'avant. Hormis en effet quelques petits plantages (la chanson en forme de clip qui tombe comme un cheveu sur la soupe) voire quelques facilités (les séquences avec les parents un poil redondantes), le reste demeure d'une parfaite sobriété et d'une très grande justesse. Du coup le film ne nous lâche jamais vraiment, on vibre à l'unisson de ses jeunes parents à chaque mauvaise nouvelle et après avoir ruiné un paquet de Kleenex, on finit par utiliser les coussins du fauteuil comme un mouchoir. C'est une chose de dire que cela sent le vécu, c'en est une autre de parvenir à transmettre cette douloureuse expérience avec autant de véracité sur la toile... Un des meilleurs films français de l'année ? Y'a pas scanner, clair.  (Shang 08/12/11)

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