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8 novembre 2011

Quatorze Heures (Fourteen Hours) (1951) de Henry Hathaway

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Il s'agit bien d'une gageure que celle de tenir quatre-vingt-dix minutes avec un gars qui veut se suicider, le cameraman on l'imagine (...) en équilibre sur le rebord de la fenêtre. C'est en tout cas le pari d'Hathaway qu'il remporte haut la main ; on ne sait pas trop quels sont les problèmes du gars (Richard Basehart, ni pour ni contre), mais le fait est qu'il est à bout et qu'il se donne en spectacle à tout New York le jour de la Saint-Patrick ; les flics sont forcément sur les nerfs mais c'est pourtant bien l'un d'eux (Paul Douglas, le rôle de sauveur de sa vie), un simple type en charge de la circulation, qui va jouer les intermédiaires et les assistants psychologiques de fortune - le Richard n'a confiance qu'en Paul, a po envie de se taper des docteurs psychologisants prise de chou. Il va tout tenter pour le ramener à la raison alors que sa mère, puis son père et enfin son ex-fiancée (Barbara Bel Geddes toute pimpante) vont faire des passages éclairs à la fenêtre pour le "réconforter" - ou le speeder un peu plus... Mais c'est bien l'ami Paul qui a le plus d'emprise sur lui et qui doit tout faire pour comprendre le bonhomme et l'empêcher de faire une grosse connerie.

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La première belle idée, c'est que ce "spectacle" d'un homme au bout du rouleau va avoir une influence sur au moins deux couples de spectateurs - comme au cinoche, exactement, les projecteurs éclairant le gars, la nuit venue, renforçant, eux, l'aspect théâtral du bazar : il y a une jeune blonde (introducing Miss Grace Kelly, pour son premier long-métrage, c'est pas rien) en instance de divorce qui va être tellement émue par le désespoir de 14HOURScet être humain qu'elle va elle-même se mettre à cogiter sérieusement sur la décision qu'elle veut prendre avec son mari et puis une chtite brunette (Debra Paget, du lourd au niveau du casting féminin même si les cocottes ne font que de brèves apparitions), toute bouleversée par l'événement qui se joue quinze étages plus haut ; elle va se laisser séduire, à fleur de peau, par un gars qui, comme elle, a séché sa journée de taff pour assister "à la scène". Le deuxième aspect exploité par l'ami Hathaway par rapport à cette situation extrêmement tendue, c'est, outre les quidams de la rue concierges dans l'âme, les essaims de journalistes (tout le cirque médiatique quoi) et autres prêcheurs de pacotille que le candidat au suicide va attirer. En ajoutant les flics qui se retrouvent à chaque fenêtre de l'immeuble, notre type se retrouve cerné et observé de toute part et il y a forcément une certaine ironie dans la chose : alors que notre gars semblait, quelques secondes avant, incarner le parfait solitaire (plus de copine, un père aux abonnés absents depuis le divorce de ses parents, une mère ultra protectrice pète-couilles...), il est maintenant le centre de toutes les attentions... Sans qu'on en sache vraiment plus sur lui et, pire, sans que cela intéresse forcément les gens - les journalistes sont ainsi vite gavés quand la mère s'épanche sur sa propre vie...; le seul dans l'histoire à faire preuve d'un minimum d'humanité, c'est donc notre père tranquille, the flic of the streets of New York, un type banal quoi, mais forcément un type extraordinaire quelque part... Eh ouais, c'est ça l'Amérique putain, la part de héros que chacun possède en soi, petit...

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Parce que, à bien y regarder, notre ami suicidaire n'a, lui, absolument rien de bien original (des parents divorcés, des fiançailles avortés, la vie de tout le monde quoi... au début, on se dit, c'est un film noir, nom de Dieu, le type doit posséder un secret énorme, on imagine déjà le flash-back de folie et tous les flics de New-York qui seraient à sa recherche, ben nan, que dalle ; la surprise est telle qu'on ne peut s'empêcher d'avoir un petit ricanement d'auto-moquerie...) : même s'il se retrouve le centre d'attention, tout se joue véritablement en "coulisses", hors de son champ de vision - il n'a d'ailleurs devant lui, le gars, qu'un grand vide : tout ce qui se passe à quelques centimètres de sa position, derrière la fenêtre, lui demeure invisible ; c'est bien là que réside le cœur du film, cette chambre d'hôtel où l'on invente des stratégies de folie pour sauver ce Robert Cosick (un peu sick of life, c'est évident)... On va jusqu'à étendre un filet démentiel sur le building - Spiderman est vert - pour parer à toute attente (c'est moins ridicule que la nappe de table tendue par quatre pompiers cinquante mètres sous le rebord de la fenêtre au début du film...). Bref, même dans cette ville tentaculaire qui vous broie, qui vous prend dans sa toile, il y aura toujours un ange-gardien / araignée pour venir à votre secours... Quatorze Heures est tendu de bout en bout, ce qui en fait forcément une bonne toile (et une vraie réflexion sur le "spectacle" ? Pourquoi po - il y a ceux que cela émeut et les autres, ceux qui s'agglutinent comme des mouches au moindre petit buzz, juste pour le fun...)

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