Simenon n'a en effet pas toujours eu la chance d'être adapté au cinoche par Béla Tarr, son bouquin Les Fiançailles de Monsieur Hire ayant été adapté (roulement de tambour) par Julien Duvivier (oups... Panique, tout est dans le titre...) puis donc par Patrice Leconte. Si dans les années 80, le bon Patrice pouvait encore faire illusion auprès de ses pairs avec ces images pubesques pseudo léchées, vingt ans plus tard, on se marre... Monsieur Hire devrait être dédicacé au musée Grévin tant notre ami réalisateur semble s'être fait un malin plaisir à demander à ses acteurs d'être le plus figé possible. André Wilms, à ce petit jeu, est le pire, son inspecteur qui ne cesse de nous gratifier de mimiques nerveuses étant absolument ridicule. Michel Blanc est dans la sobriété la plus pure et dure, dommage qu'on lui ait autant poudré le visage pour le rendre tout livide - on avait compris que c'était un être à sang-froid avec un petit cœur qui bat tout au fond là-bas : pas besoin de s'amuser à lui envoyer dans la tronche des lumières glaçantes. Seule Sandrine Bonnaire garde un semblant de naturel dans ce film aussi ébouriffant que le crâne de Blanc ; Dieu soit loué, il ne dépasse pas les 75 minutes et si en plus il vous prend l'envie de dormir pendant un petit quart d'heure (la musique de Michael Nyman m'a littéralement assommé, po pu lutter), cela passe aussi vite que les saloperies de l'apéro - des vieilles quand même, celles que grand-mère sort quand elle a po fait les courses depuis longtemps. Que dire de plus, sinon que ce film est lénifiant de bout en bout et qu'on devrait le conseiller dans les universités de médecine pour les futurs anesthésistes et pour toutes personnes désireuses d'étudier les effets du formol... Non, franchement, j'ai beau essayer de voir ce que je pourrais garder - Michel Blanc et ses petites souris innocentes "comme lui", Michel Blanc cherchant à reconstituer un parfum ultra fin "comme lui", Michel Blanc doigtant Bonnaire lors d'un combat de boxe pour montrer le décalage entre son incroyable subtilité (...) et la violence de ce monde (même le Lelouch de la grande époque aurait po osé, moi je dis...) -, à chaque fois qu'une image me revient en tête, j'ai un sale petit sourire en coin de pure mesquinerie. Comme dirait une bonne vieille pub anglaise : "not to be hired" - mouais, j'ai po vraiment fait un grand effort mais ça vaut pas plus que ça...
La musique de Nyman est au diapason hypnotique et mélancolique de la chose et les interprétations de belle tenue (si Blanc tient presque son Tchao Pantin, André Wilms est prodigieux en flic borderline, qui semble emprunt d'une empathie victimaire frisant lui-aussi la plus vénéneuse perversité (on n'est pas loin de Will Graham !)) portent l'affaire vers des hauteurs dignes d'intérêt.
Moins réussi dans les minutes accordées à Hire pour laisser libre cours à son imaginaire (ses tirades sur la dame aux pigeons ou les histoires qu'il invente sur les gens dans les gares sont assez artificielles et malvenues), le film émeut dans ses moments les plus « noirs », traités de la façon la plus « blanche » possible.
Et si, intrinsèquement, on est alors en plein dans le mode du "Simenon et Kafka sont dans un bateau", la volupté/morbidité ambiante (entre Hitchcock et Cain) rend la chose plus fascinante et bouleversante encore.
Comme quoi, les aminches, on n'est pas toujours d'accord...