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12 septembre 2011

Thérèse Desqueyroux (1962) de Georges Franju

"Vous osez avoir un avis ?
Vous n'avez qu'à écouter, qu'à recevoir mes ordres.
Je ne cède pas à des considérations personnelles. Je m'efface, la famille compte, seule."

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Quel terrible personnage "anodin" plein de suffisance et... de creux que celui incarné par Philippe Noiret, à l'aise comme dans un poisson dans l'eau dans ces rôles de petits bourgeois de province solidement ancrés dans leur sol et ravagés de l'intérieur par une indéniable crétinerie arrogante. Emmanuelle Riva aurait dû y réfléchir à deux fois avant d'épouser cette véritable bûche ; elle ne semble malheureusement en prendre conscience qu'une fois qu'elle fait son tout premier pas dans l'église le jour de son mariage, l'Emmanuelle ayant une sorte de mystérieux regard hagard à faire peur, très franjien. Il est fini pour elle le temps de l'insouciance passé auprès de la chtite Anne (Edith Scob) (robe blanche virginale, association très sensuelle de la brune corbeau et de la blonde comme les blés, balade à vélo julesetjimesque - Jarre semblant d'ailleurs parfois pomper à la virgule la musique de Delerue) ; le retour sur terre est d'autant plus terrible qu'après une nuit de noces frigidesque, Emmanuelle apprend qu'Anne, sa belle-sœur, est amoureuse folle d'un gazier du coin et nage dans le bonheur. Puisqu'il semble que pour elle tout espoir d'un quelconque épanouissement soit déjà dans une impasse (Voici venu, le temps, de la chienlit de province...), non seulement elle ne fera rien pour donner un coup de main à son amie d'enfance, mais elle ne pourra s'empêcher de jouer "la main du destin" en empoisonnant progressivement son hobereau de mari : quand on s'emmerde, faut bien trouver à s'occuper un minimum, nan ?

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Emmanuelle se fera pincer, mais sortira du tribunal blanche comme neige parce que, Monsieur, chez ces gens-là qui mangent leur soupe avec des grands schlurrp, on fait tout pour éviter le scandale. C'est sûr qu'après, le champ d'action de la pauvre va se retrouver encore plus réduit, devant se résigner à aller de sa chambre à sa chambre et n'ayant comme tout "plaisir" que la clope et, depuis sa fenêtre, la vision effrayante de ces immenses arbres noires ancestraux (on reconnaît enfin sur ces plans la patte (très discrète) du gars Franju). Il y aurait forcément de quoi dépérir, et c'est d'ailleurs l'option que choisit notre Emmanuelle Riva, s’asséchant littéralement sur place. Le gars Noiret lui rendra-t-il finalement sa liberté (comme pour s'en débarrasser...), ou, mieux, sera-t-il capable de la comprendre et de faire preuve d'un minimum d'empathie (mais "Les Bourgeois, c'est comme les...")... ? Ne soyons point trop optimiste... Même si Franju semble relativement s'effacer derrière ce récit du gars Mauriac qui en ce début des années 60 donnerait déjà envie de mettre la France, comme les landes, en feu - l'utilisation presque systématique de la voix off en début du récit faisant craindre le pire -, on retrouve ici et là quelques traits du cinéaste, notamment dans ces panoramiques glaciaux sur les environs de ces grandes demeures bourgeoises qui ressemblent à des visions d'enfer lunaire - la musique de Jarre ayant elle-même des accents d'une sombre et fausse gaieté. Au delà de ça, bon ben ouais, Franju semble rater le coche de la Nouvelle Vague en livrant une œuvre tout de même souvent, cinématographiquement, affreusement plan-plan (comme cela est en adéquation avec son récit, on serait tout de même un peu dur de vouloir trop l'enfoncer sur l'action... Mais ouais, j'ai beaucoup de sympathie pour le Georges même si... bah oui). Po jouasse et comment donner tort à cette douce empoisonneuse qui se retrouve d'elle-même - comme les pigeons pris bêtement dans les pièges - prisonnière de sa propre existence ? L'histoire, par tous ces aspects, fait froid dans le dos et l'attrait de Franju pour ce roman semble finalement d'autant plus se justifier... A se mater tout de même en ayant une réelle bourre...

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Commentaires
S
Parfois un film rehausse le livre qu'il adapte. Parfois les deux au final se valent, pour le meilleur ou pour le pire. Ici c'est la troisième possibilité : une œuvre qui dépouille un livre de toute sa substance. Franju passe à côté. Il ne fait par exemple nulle part ressentir l'écrasante chaleur qui est un des grands personnages du puissant récit de Mauriac. L'influence des pins est à peine esquissée. Et le "cinéma intérieur" de Thérèse n'est jamais projeté. Une coquille vide, et pourtant ça ronfle à l'intérieur.<br /> <br /> <br /> <br /> (Et dire que le père François a bossé sur le scénario, et avec le fiston... Reste à espérer que Miller s'en est mieux sorti.)
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