Intimidation (Aru kyouhaku) (1960) de Koreyoshi Kurahara
"Bien mal acquis ne profite jamais", disait mon avisée grand-mère en roulant sa pâte à tarte et sans pourtant jamais avoir entendu parler de ce film du gars Kurahara, dont la première oeuvre, J'attends, était déjà pleine de promesses. Ambiance noire (premier film noir japonais d'après wikipédia, doit-on vraiment les croire ?) dans ce film relativement court (à peine plus d'une heure) qui met en scène un petit banquier opportuniste et véreux ; ce dernier, qui vient de monter en grade suite à son mariage avec la femme du boss, est plein de condescendance envers un de ses anciens potes et collègues resté au bas de l'échelle (et dont il niquait la femme, une femme fort marrie de voir que le sien stagne méchamment - dur). Plein de suffisance, capable de propos qui font joliment écho à ceux de ma chère directrice ("le travail est plus important que l'amitié" - ou non...), il va faire la connaissance d'un chafouin maître chanteur à lunettes noires : ce dernier va lui demander, en échange de preuves de ses malversations (il a détourné en sa faveur un petit pactole) la coquette somme de trois millions. Notre banquier fait moins le malin et lui demande avec un rictus de circonstance où il peut bien trouver cet argent. Ben dans ton propre coffre, bonhomme ! Allez à demain. Notre homme en ferait pipi dans sa culotte, se met à cauchemarder le pire des scénarios, mais finit par s'exécuter : comme son ex-pote est justement gardien de nuit ce jour-là, il le saoule au saké et s'attaque à sa propre banque. Il est surpris d'y retrouver le gars déjà de retour à son poste et il lui fout une trouille bleue en lui demandant d'aller ouvrir le coffre. Les mains sont moites, la transpiration est à son comble, les deux hommes paraissent terriblement fébriles. Terrible tension et échange de coups d’œil à la Sergio Leone entre les deux types et le banquier de commencer d'avoir la certitude qu'il a été reconnu (il a bandeau sur le pif mais il a ballottement pété ses lunettes noires avant de faire le casse)...
Comment va-t-il se sortir de ce faux-pas... Hum, hum... Il a beau être bougrement malin et avoir la chance de son côté, il ne faut pas prendre non plus les gens pour des imbéciles, mais ouais... Fatal retour de bâton ou non, là est la question dans un final dans un train qui s'engouffre à grande vitesse dans les tunnels... Le rythme est malgré tout, dans l'ensemble, relativement pépère (mais loin d'être déplaisant, attention), et Kurahara de se plaire, en particulier, à capter les regards de ces acteurs, celui souvent bien penaud et abattu du sous-fifre ou celui décidé et généralement triomphant de cette enflure de banquier. Les plans font eux preuve d'une belle fluidité et notre réalisateur de nous gratifier de quelques jolis plans en plongées (le banquier face au maître chanteur... au bord du gouffre (la tension est à son comble, notre homme de fric a-t-il encore en lui une once d'humanité ou d'empathie... po sûr) ou encore lorsque notre sale individu brûle les preuves de ses malversations...) Mais comme le dit le dicton : à force de prendre trop de "hauteur", on finit par se péter la gueule... Tendu et moral, j'ai po mieux comme adjectifs pour conclure ma chtite chronique sur ce film qui passe en un clin d'oeil. On devrait retrouver rapidement notre homme sur ces pages, car un bien joli coffret (Criterion - Eclipse) vient de sortir en l'honneur du réalisateur nippon.