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4 septembre 2011

LIVRE : Rien ne s'oppose à la Nuit de Delphine de Vigan - 2011

rien-ne-s-oppose-a-la-nuit-220583Ce livre m'a cueilli, tout simplement. Au départ, rien pour m'attirer : Delphine de Vigan nous explique que sa mère est morte, et qu'elle ressent le besoin d'écrire sur elle. Bof. On sent venir de loin l'épanchement intime et nombriliste, qui ne concernerait que son auteur en faisant de nous de pénibles voyeurs innocents. Pendant une centaine de pages, on est entre deux eaux : c'est remarquablement écrit, d'une justesse constante, mais c'est aussi un peu gênant de suivre ainsi l'enfance d'une femme que seule l'auteur a connue, et qui, malgré son originalité et celle de sa famille, n'est qu'une jeune fille comme les autres, avec juste une ou deux tragédies familiales en plus des autres. Certes, cette nombreuse fratrie subit des revers à répétition : accidents, morts d'enfants, suicides, tout semble attirer cette smala vers un élan morbide assez sidérant ; mais en même temps, on cherche un peu ce que de Vigan a envie de nous raconter avec cette histoire personnelle.

Et puis, subitement, quand la deuxième partie commence, on est bluffé. Le récit s'emballe subitement, et on assiste alors au portrait d'une folie envisagée dans sa plus stricte intimité. La mère de l'auteur pète un cable, et c'est alors tout un univers immensément vaste de frustration, d'incestes, de désamour, d'attirance vers la mort, qui se développe sous une plume de plus en plus torturée. De Vigan excelle à appuyer là où ça fait mal : elle développe tranquillement une petite chronique familiale, et boum, elle vous assène subitement, au coin d'une page, un paragraphe assassin qui vous cloue sur place. L'arrivée des différents épisodes marquants de la déchéance de sa mère n'est jamais annoncée, tout ça nous débarque en pleine poire avec la force de la simplicité. Car l'auteur écrit simple, tentant de saisir au plus près la justesse des situations, la vérité de ce qu'elle a vécu. Et c'est cette vérité qui fait la qualité du livre : il est une véritable psychanalyse pour l'auteur, qui essaye de se débarrasser de images qui la hantent (le premier coup de folie de sa mère, les lettres qu'elle écrit, sa mort), et elle le fait par l'écriture, mélant l'hommage passionné à l'exorcisme de ses cauchemars. On dirait parfois du Carrère, dans cette façon de faire de sa propre tragédie intime un livre épique et universel, de partir d'une souche très personnelle pour en faire un drame partagé par tous. On ressort de ça soufflé par l'ambition de la chose, et par la réussite de ce projet casse-gueule. Ce qu'on croyait être un journal intime mis sans vergogne sur la place pulique s'avère être un vrai brûlot, violent, sanguin, sans concession ; le tout en restant dans la douceur, dans le style le plus discret possible, dans l'épure et la vérité vraie. De Vigan se sert de l'écriture pour mettre à plat ses douleurs les plus prégnantes, et donne de ce fait envie d'écrire. Mais on sait très bien qu'on n'arriverait jamais à trouver cette distance-là par rapport à ce qui nous bouleverse : à la fois dans l'évènement et hors de lui. Bouleversant.

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