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Shangols
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28 août 2011

La Chamade d'Alain Cavalier - 1968

vlcsnap-2011-08-21-00h28m55s198Avant d'être l'étrange cinéaste conceptualo-poétique qu'on connaît aujourd'hui, Cavalier fut un réalisateur plus classique rentrant dans la catégorie des adeptes de Claude Sautet, si l'on en croit ce petit portrait intime d'une femme infidèle. La Chamade est purement un film d'acteurs, ce qui provoque en moi, généralement, une moue dubitative ; mais quand il s'agit, en guise d'acteurs, de Deneuve et Piccoli, je ne peux que m'incliner : j'ai beaucoup aimé ce moment passé à regarder deux grands comédiens au travail.

Les dialogues sont de Sagan, pas la dernière quand il s'agit d'ausculter précisément les tourments du coeur des hommes et des femmes. On suit les historiettes sentimentales d'une femme d'aujourd'hui (entendez : les années 60, la libération féminine qui passe aussi par une période de flous, de doutes, de pertes de repères) valsant entre deux hommes : l'un, Charles (Piccoli), grand bourgeois sensible et érudit, aisé et protecteur, fan de Mozart et porte-feuille généreux, qui représente un certain état de la France, pré-68 justement ; l'autre, Antoine (Roger van Hool, lui aussi super), jeune, bohème, romantique et irresponsable, représentant le vlcsnap-2011-08-25-21h01m29s129camp opposé en qualque sorte. Entre les deux, donc, Lucille, qui virevolte, est triste puis gaie, légère puis profonde, capable de déclamer du Faulkner en s'enquillant des whiskies dans les bistrots piur ensuite tomber dans les tourments de l'amour. Sagan et Cavalier dessinent avec précision les extrêmes de cette époque troublée, à travers ce trio symbolique, avec des dialogues faussement simples, toujours superes malgré leur côté littéraire, avec un scénario ciselé, modeste, délicat et moderne. Mais c'est surtout la direction d'acteurs qui rend toute la force du film : Deneuve semble absolument libérée de toute direction, justement, montrant ici toute la grandeur de son jeu (c'est-à-dire, une sorte de non-jeu, qui fait qu'on n'oublie jamais que c'est Deneuve qu'on voit, tout en croyant dur comme fer à son personnage). Elle irradie l'écran avec un naturel confondant, et je n'ai pas le souvenir de l'avoir vue aussi belle ailleurs, Cavalier lui conférant enfin un statut "d'adulte" qui lui manquait encore à cette époque. Les très gros plans qu'il lui octroie, où elle doit juste lever les yeux vers l'homme qu'elle aime, ou se transformer en une surfce opaque dissimulant ses sentiments, sont de toute beauté, très attentifs aux détails de jeu, très longs et passionnés.

vlcsnap-2011-08-25-21h04m19s40Et puis il y a Piccoli, décidément toujours immense. En cocu bafoué et digne, il est génial, surtout dans cette scène où Deneuve lui apprend qu'elle le quitte pour un autre : le poing qui se tend pour la frapper et qui reste en suspend en dit très long sur le poids de l'éducation, sur le malheur absolu qui s'empare de cet homme, sur la grandeur qu'il dissimule sous ses costumes de bourge. Il s'empare de la langue de Sagan avec génie, rendant crédibles chacune des répliques alors que certaines semblent impossibles à passer ("Je veux qu'il te rende intacte, dans 3 mois ou dans 10 ans"). Tout ça fait que, d'une situation très banale (le mari-la femme-l'amant), Cavalier tire un très joli portrait en dentelle du Puy-en-Velay, petite musique de chambre poignante et mélancolique.

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