Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 juin 2011

Impitoyable (Unforgiven) de Clint Eastwood - 1992

unforgiven2

Clint fait un dernier tour dans le western avant d'entamer l'ultime tournant de sa carrière. Et ça a la classe totale, le classicisme du gars faisant merveille dans cet opus désabusé, sombre, mélancolique et violent. Le sujet n'est pas tout neuf, puisqu'il s'agit d'une énième variation autour de la violence et de l'impossibilité d'échapper à son passé : Clint joue un ancien bandit rangé des balais, qui va s'engager dans un ultime contrat de tueur. Beaucoup d'autres ont exploré la chose avant lui, mais Unforgiven a ce charme particulier dû au fait que Clint débarque là-dedans avec tout son passé de tueur ambigu qu'il a traîné dans sa carrière : on peut voir la chose comme l'ultime règlement de comptes du cinéaste vis-à-vis de ses rôles passés (il y reviendra pourtant avec Gran Torino), et une dernière mise au point sur ces personnages schématiques qu'il a pu interpréter : il aura beau tenter d'autres choses, ce passé lui restera attaché, son image est irrémédiablement associée à la violence sans nuance. Magnifique de voir comment le film retient sa violence jusque dans les dernières minutes, au cour desquelles elle éclate de façon sale, brutale, frontale, comme si Eastwood insultait ouvertement ceux qui faisaient la fine bouche devant ses cow-boys binaires et autres inspecteur Harry. Pendant 2 heures, on a l'impression d'un film empli de contrition, presque d'une excuse... et ces dix minutes finales, complètement inattendues par leur côté insolent, viennent brillamment mettre un point (dans ta gueule) final à la veine couillue du cinéma eastwoodien.

IMPITOYABLE--4-

La veine "sentimentale" du film est tout aussi intéressante, puisqu'on y voit encore une fois Clint s'attaquer de front à son essoufflement, au vieillissement de son corps, masochisme qu'il pousse souvent jusqu'à se rendre lui-même ridicule (ses vautrages au milieu des cochons, son incapacité à tirer sur une boîte de conserve). Une sorte d'humour à froid, très mélancolique, qui culmine avec la séquence prodigieuse de mise à mort d'un de ses ennemis : il tire à maintes reprises sur le gars, le ratant systématiquement, dans une sorte de cruauté terrifiée qu'il joue à merveille. Là aussi, une scène dure, mais surtout parce qu'elle mélange une dérision morbide à une situation très tendue. Le film marche très clairement sur la route de la nostalgie, du "c'était mieux avant", dans ces portraits subtils et beaux d'acteurs vieillissants (Gene Hackman, Morgan Freeman, Richard Harris, Clint lui-même) opposés à une jeune génération minable. Le jeune cow-boy qui entraîne Eastwood vers sa dernière mission est myope (symbole ? pensez-vous !), complètement sous l'emprise de la réputation de ce dernier (aurait-il vu les films de Leone ?) et crâneur en diable ; beau personnage, là aussi, sorte de double eastwoodien avec 35 ans de moins, un peu comme si le héros de Rawhide croisait le Clint d'aujourd'hui. Cette atmosphère de passé perdue est renforcée par d'autres petits situations insérées au sein de la grande, comme cette belle idée fordienne du couple bandit légendaire/écrivain public, porteurs d'une imagerie du Far-West éculé et finie, et qui seront renvoyés bien vite à la poussière des routes. "Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende", disait Ford ; Eastwood piétine la légende, remet à l'heure les pendules du mythe westernien, et met en lumière la brutalité conne de la conquête de l'ouest (les scènes où Hackman re-raconte les grands moments de la vie du bandit English Bob, sans le glamour).

UnforgivenHarris

Tout ça est habillé superbement par la lumière de Jack Green (sublimes images de nuit et de pluie, iconographie académique impeccable des plans lointains, mise en valeur de la nature), la science du cadre de Clint et la musique de Lennie Niehaus, débarrassée cette fois des accents jazz un peu ringards des polars pour devenir une épure très émouvante. Il y aurait encore plein de choses à dire sur ce sommet de l’œuvre du compère, riche et profond, mais l'impression qui en reste est celle-ci : un combat de vieux briscards un peu pathétiques dans le crépuscule d'un genre. Grand classique, bien sûr.

All Clint is good, here
Welcome to New West

Commentaires
H
Effectivement, Eastwood fait souvent parallèle entre sa carrière et le personnage de ses films. Mais "Impitoyable" a cette particularité d'être, à priori, son dernier Western et donc voir cet homme revenir à ce qui a fait sa carrière (le western pour Eastwood et tuer des gens pour le personnage) est assez touchant d'autant plus que là, son personnage de bases est infâme puisque, si je me souviens bien du film, il avoue avoir tué femmes et enfants. Dans Gran Torino, l'homme est plus antipathique que réellement méchant. Mais là c'est aussi un parallèle entre sa vie d'acteur au déclin et son personnage de Dirty harry.<br /> Pour sa filmographie, en tant que réalisateur, il n'y a pas grand chose à jeter, même si tout n'est pas génial. "Le maître de guerre" est distrayant, "Créance de sang" se regarde bien, mais personnellement, je reste très attaché à "Impitoyable", "Un monde parfait" et "Gran Torino"
Répondre
G
Hara Kiri > Le meilleur Eastwood, pas loin de le penser aussi, bien que j'aie aussi un faible pour Madison (j'y viendrai, mais j'ai peur de pleurer encore toutes les larmes de mon corps), Honkytonk Man et Breezy. Quant au parrallèle acteur et film, ce n'est pas la première fois que le gars tente la chose, je dirais même que c'est son sujet fêtiche (voyez toute sa filmo depuis Bronco Billy jusqu'à Gran Torino, il a pas arrêté de répéter la même chose)<br /> <br /> Crazy Diamond > Merci pour les visites, alors, du coup. Trop pointu ? Bah, c'est Shang, ça, avec ses films noirs obscurs. Bravo pour votre article sur Impitoyable, très personnel et qui ne hurle pas avec les loups. Je vais vous confier une chose : je suis en train de revoir tout Eastwood chronologiquement, à mon rythme. Eh bien, je suis à deux doigts de penser que le bougre est vachement sur-estimé... Oui, m'dame, y a pas beaucoup de choses vraiment bonnes dans sa filmographie (même si je reste d'accord avec moi sur Impitoyable). Ceci dit, je me dresse véhémentement contre votre indifférence concernant les westerns : allez voir les petits films de Budd Boetticher, ça devrait vous réconcilier avec le genre.
Répondre
H
Personnellement, je ne suis pas un inconditionnel des films d'Eastwood réalisateur. Je n'ai pas aimé "la route de Madison", moyennement "Million dollar baby" et pas vraiment aimé "Mystic River".<br /> Par contre, je suis totalement fan de "Impitoyable" qui est; pour moi, le meilleur film réalisé par Eastwood. <br /> Le film est d'autant plus touchant quand on fait le parallèle entre l'acteur et le film.
Répondre
C
Bonjour,<br /> J'ai découvert votre blog il y a quelques temps par la plateforme de Canalblog et je dois dire que je suis devenue une lectrice assidue, bien que vous parliez souvent de film trop pointus pour moi ;-)Je trouve vos critiques fort intéressantes et bien souvent fort pertinentes.<br /> Néanmoins, en lisant ce commentaire d'"Impitoyable", je ne peux m'empêcher de saisir mon clavier pour faire part de mon opposition sur le sujet! J'ai trouvé ce film long et chiant personnellement (Cf. http://diamantfou.canalblog.com/archives/2010/06/04/18117328.html) et j'ai un peu l'impression qu'on ne parle pas du même film. Ceci dit j'ai l'impression de n'être en phase avec personne quand il s'agit des films de Clint Eastwood! Vous aurait-il tous envoûtés?! Ahah!
Répondre
H
Pour moi incontestablement le meilleur film d'Eastwood, un film crépusculaire dans tous les sens du terme.<br /> Eastwood met fin à sa carrière western de la plus belle des manières.
Répondre
Derniers commentaires